Claire DUVIVIER
AUX FORGES DE VULCAIN
432pp - 20,00 €
Critique parue en janvier 2023 dans Bifrost n° 109
Votre serviteur s’est régalé, a pris son temps pour déguster Mort aux geais !, la suite de Citadins de demain. Mais si, vous savez, on ne parle que de ça : « La Tour de Garde ». Une double trilogie qui excite les initiés autant qu’elle intrigue les profanes, menée d’une main de maître par Guillaume Chamanadjian et Claire Duvivier. Deux villes, deux ambiances et deux héros, dont l’espoir de leur rencontre est un fil rouge que l’on suit avidement.
Rappel de l’épisode précédent : rien ne va plus à Dehaven. Les colonies se rebellent. La colère du petit peuple gronde dans les Faubourgs. Et, pour couronner le tout, le fiancé d’Amalia Van Esqwill, Hirion de Wautier, pris de folie, vient d’assassiner ses parents, le père d’Amalia, sa grand-mère et le majordome, avant de se suicider. Amalia et son ami Yonas n’ont guère le temps de pleurer leurs morts. Témoins des meurtres, mais aussi et surtout premiers suspects (car personne n’imagine le fils de la famille De Wautier commettre de tels crimes), les deux amis s’évanouissent dans la nature. Dans leur fuite, ils emportent les artefacts d’Hirion : un peigne qui permet d’endormir celui que l’on coiffe, un miroir qui laisse entrevoir le reflet terrifiant de Dehaven, et deux diadèmes qui lient par la pensée ceux qui les portent. Mais Amalia et Yonas ne sont pas loin. Ils ont trouvé refuge dans les Faubourgs, un quartier bien connu du jeune roturier, peut-être un peu trop. Pour Amalia, c’est une tout autre affaire. Son langage la trahit, ses attitudes aussi, ses vêtements, son ton, ses gestes. Dans un quartier où l’on placarde sur chaque mur « Mort aux geais ! », comprenez les aristocrates, Amalia a du souci à se faire. En plus de devoir échapper à la garde havenoise, la jeune noble doit se fondre dans le décor. Commence alors un apprentissage bien différent de celui qui devait faire d’elle un « citadin de demain ».
Claire Duvivier prouve une nouvelle fois que la fantasy est un genre noble. Mort aux geais ! diffuse une ambiance étrange, cotonneuse, subtile, pétrie du trouble de l’héroïne et de ses peurs. Immersifs, la fuite et le désarroi de nos héros n’en sont que plus réalistes. Exit le miroir et Nevahed, Amalia et Yonas découvrent que les diadèmes leur sont bien plus utiles au quotidien, pour gagner des parties de Tour de Garde notamment, et donc de l’argent. La communion des deux êtres est totale et à force d’exercices, ils gagnent ! Mais attention : qu’ils gardent en tête le triste destin de leur ami Hirion, abusé par une magie qu’il ne maîtrisait pas. Un mot sur la foule de personnages secondaires qui nourrissent Amalia et participent à sa transformation : son amie Fridarilde Van Hughen, Lute, la petite vendeuse de biscuits si attachante, le joueur geminien Casimux, et tant d’autres. Peu à peu, de la jeune noble si parfaite il ne reste rien, hormis le désir de retrouver la place qui lui revient. Et par tous les moyens.
Claire, Guillaume, ne nous faites pas languir plus longtemps. Vos balades citadines nous ont mis en appétit, et si la fin de cet opus est délicieusement excitante, nous avons désormais faim de la fin.