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Les critiques de Bifrost

Mytale

AYERDHAL
AU DIABLE VAUVERT
532pp - 20,00 €

Critique parue en avril 2025 dans Bifrost n° 118

On entre dans Mytale aussi violemment que son héroïne, Audham En-Tha. Survivante du crash d’un vaisseau de la toute jeune Fédération Homéocratique, elle seule échappe au massacre qui s’en suit. Elle est sur Mytale, une planète abandonnée à son sort par l’humanité depuis deux mille ans.

Mytale est une aberration et ses habitants, les mytans, n’ont plus qu’une lointaine ressemblance avec les premiers humains débarqués là et oubliés par le pouvoir politique d’alors, l’Impérium. La planète est  maudite, soumise à des agents mutagènes qui accélèrent le développement de toute forme de vie, suivant des schémas chaotiques et souvent délétères. Après deux millénaires, la société mytane, dominée par un système politique tyrannique et eugéniste, s’est organisée en un échelonnage de castes regroupant les êtres monstrueux suivant leur profil génétique et leur spécialisation.

Audham En-Tha doit survivre sur cette planète hostile. Elle est instinctive, rebelle, colérique et, disons-le, volontiers insupportable. Une chieuse de première, en somme, comme elle se définit elle-même, plus souvent soumise à ses nerfs qu’à ses neurones, qui pourtant fonctionnent plutôt bien. Elle est recueillie par Lodh Ilodi Lodj, un Ille, sorte de paria de la société mytane, et Min’, son chat de deux cents kilos. Sauvée, mais soumise aux agents mutagènes de Mytale, elle devient Audh Onido Dham, ou Audh-Ille aux yeux des mytans.

La lecture des premières pages donne le sentiment d’un roman de facture classique, où un voyageur venu d’une société technologique doit survivre sur une planète arriérée. Mais très vite, on se rend compte que beaucoup nous échappe et que beaucoup nous est caché par les mytans eux-mêmes. À travers les yeux de la protagoniste, on découvre une société bien plus complexe qu’on ne l’avait imaginée, rongée par les conflits politiques, les mensonges et les manœuvres des uns et des autres, une société violente qui s’entre-déchire et où chacun utilisera Audh-Ille comme pion sur son propre échiquier.

Le monde dépeint par Ayerdhal dans ce récit à strates est élaboré et riche. Nous sommes ici en présence d’un texte éminemment politique, bien sûr, Audham En-Tha servant de catalyseur à la rébellion qui couve de manières diverses sous le couvercle de la tyrannie. Les personnages, aussi monstrueux soient-ils, sont profondément humains et fort crédibles. Audham n’est pas la seule héroïne de l’histoire qui se joue, et de nombreuses figures s’y taillent une place de premier plan.

La dernière partie du roman, en crescendo, mène vers une apocalypse ultime d’une violence inouïe, et une conclusion qui n’a rien d’un happy end. Une fin parfaite, ébouriffante et sans concession.

Malgré quelques clichés du genre vite oubliés devant la richesse des propositions, Mytale est un roman remarquable servi par une écriture étincelante piquée d’humour, de considérations sociales et d’action.

 

 

FEYD RAUTHA

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