« Naalia avait encore du mal à réaliser l’inconcevable vérité. Ils ne se trouvaient pas quelque part à proximité du cercle polaire boréal, comme elle l'avait déduit du parcours effectué en pays Sirkatô, mais à des milliers de lieues plus à l'est. Cela signifiait donc que les distances entre les « portes » n'étaient pas identiques en terre occitanienne et en pays Sirkatô. Autrement dit dans ce monde… et dans l'autre. »
Bienvenue sur les rivages incertains de la Science-Fantasy.
La Geste du Halaguen se présente comme une vaste fresque bourrée de cartes et de mots étranges, sans doute pour le plaisir de devoir régulièrement interrompre sa lecture histoire de comprendre exactement de quoi on parle… hum.
Mis à part cet détail un rien crispant, côté Fantasy, ce sont ces armées barbares qui pillent et massacrent les rares îlots de civilisation médiévalisantes des contrées sauvages ; ces luttes sans fin contre une nature résolument hostile qui conduisent les caravaniers écartés aux pires extrémités; ou encore ces gardiens démiurges enlevant des nouveau-nés aux destins extraordinaires bien que toujours près d'être sérieusement compromis.
Côté Science maintenant, c'est cette fracture dimensionnelle qui conduit à faire boucler une route, voire à passer d'un univers à l'autre semer ses poursuivants. Ou pourquoi pas, cette bague magique à identification palmaire, ordinateur et modem intégré… que l’héroïne a la faiblesse de confondre avec un anneau de souhait tout droit venu des mondes d’Advanced Donjons & Dragons (« Oh mon chevalier adoré, prend cet anneau qui te protégera des armées du roi barbare… »).
Mais je ne vais pas vous dévoiler les mille et une péripéties somme toute assez prenantes, qui émaillent un récit à l'intrigue en en forme de collier de perles enfilé sur une trame de base. À savoir Naalia de Sanar, femme de compagnie de Dame Paléade de Bageston, hérite inopinément d'un bébé apporté par un mystérieux voyageur lorsque la dite Dame Paléade se retrouve massacrée par les gens du sanguinaire Séquançaire, chef des hordes barbares lancées sur l'Occitanie. Manque de chance pour Naalia, le bébé est censé, dans un futur plus ou moins éloigné, abattre le fameux Séquançaire selon un augure prononcé par un non moins mystérieux sorcier. Dans sa fuite, Naalia et ses amis trébucheront sur quelques épreuves plus ou moins reliées à histoire de départ, et à la structure bien particulière de l'univers du Halaguen.
Et tout ça donne un roman de Science-Fantasy où l'on croisera des donjons tronçonneurs (fleurant bon les « cent et un pièges de Grimtooth », pour les connaisseurs) aux fondations enracinées dans un autre monde, des fantômes d'extraterrestres en quête de corps à posséder, le tout mâtiné de numérologie et de forces telluriques. Si écrire de la Science-Fiction implique de suivre une logique (pseudo) scientifique d'un bout à l'autre, et si écrire de la Fantasy implique de suivre une logique (pseudo) mythologico-éthnologico-occulto-légendaire, on tendrait presque à croire que faire de la Science-Fantasy consiste à mélanger l'un et l'autre, comme ça vient.
Bref, une fois accepté le principe de ces «territoires de l'incertitude », les malheurs de Naalia font tout de même leur petit effet et ce premier tome thésaurise plutôt correctement les chances de passionner un lecteur en mal d'histoires aventureuses.