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Les critiques de Bifrost

Nanotikal

Nanotikal

Marcus HAMMERSCHMITT
L'ATALANTE
315pp - 18,50 €

Bifrost n° 46

Critique parue en avril 2007 dans Bifrost n° 46

On a beau chercher, on ne voit rien à redire. C'est ça qui est frappant, finalement, dans Nanotikal : l'oubli, le tiède, l'absence de traces, voilà encore un roman qui ne vous marque pas, pas de mal à une mouche. C'est peut-être la grande réussite de l'industrie du livre qui plaît à tout le monde, donc à personne, que d'avoir inventé le roman pour les mouches. Non pas ce qu'on verrait et entendrait si l'on était une mouche (l'invu, l'inouï), mais ce qu'entendent et voient les bêtes : un monde sans négatif, une représentation qui est aussi la réalité.

Fruit de la démarche volontariste de l'éditeur vis-à-vis de la S-F européenne, Nanotikal réussit le miracle d'un livre accessible à tous, rapide, pas désagréable, dépourvu de malice et ne donnant presque jamais l'envie de dire « OFF ». Ce n'est pas ironique. Au bout de vingt pages, on s'attend au pire, mais pourtant on passe un bon moment. Economie d'énergie en sus : le lendemain, on ne se rappellera pas avoir pris le bouquin en main et il faudra faire un effort pour se souvenir de l'intrigue.

« 2136. Les Mayas, maîtres des nanotechnologies, dominent l'Espagne. Sur les ruines de Compostelle se dresse la puissante cité-état de Nanotikal. »

Le quatrième de couverture résume bien la chose, on n'en saura pas plus ; sauf que le Vatican, en retour de grâce, semble la seule puissance apte à contrecarrer les plans des nouveaux seigneurs au nez busqué. Par quel miracle une civilisation anéantie six siècles plus tôt a-t-elle bien pu renaître de ses cendres et maîtriser une technologie si avancée, au point de mener une sorte de reconquista contre l'Europe, dans un contexte géopolitique plutôt flou ? Mystère…

Le censeur Yaqui fait partie des hauts dignitaires de Nanotikal, une des cités-états établies sur la péninsule ibérique ; il a la main sur l'éducation, les communications, et l'espionnage. Symétriquement, Enrique Guerrero, bâtard maya, ancien prince de surcroît, est une des têtes pensantes de la résistance espagnole contre l'oppresseur. L'un et l'autre étaient faits pour se rencontrer…

Nanotikal va vous cocooner, comme les IA bichonnent les mayas au-delà de la prévenance. Huis clos des temples et des palais, impeccables complots, nano bombe parlante, ambiance sépia, séquences instructives sur la torture, la mythologie, les mœurs amérindiennes, on se sent lové comme chez grand-maman. Les dangers sont mous et les frayeurs décontractées, on ne rit jamais jaune. Parce qu'on est un critique élitiste et sectaire (c'est-à-dire quelqu'un qui, au regard du réalisme libéral-démagogique, creuse sa tombe), on se dit que tout ça manque un peu de méchanceté. Difficile en effet de faire plus inoffensif sur un tel sujet : comme un film de Mel Gibson (mettons Apocalypto) sans les dents. Marcus Hammerschmidt a peut-être quelque talent, mais il lui reste à travailler pour atteindre le niveau de ses compatriotes teutons (d'ailleurs publiés chez l'Atalante) Michael Marrak et Andreas Eschbach. Wait and see.

Sam LERMITE

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