Rodolphe CASSO
CRITIC
600pp - 25,00 €
Critique parue en janvier 2020 dans Bifrost n° 97
Nécropolitains est le second roman de Rodolphe Casso. Il fait suite à Pariz (sorti en 2016), dans lequel on voyait le monde – et singulièrement Paris – être emporté par l’apocalypse zombie vers un post-apo’ dans lequel la simple survie est un exploit en soi.
Nécropolitains commence un an après ces événements. Une poignée de soldats survit plus qu’elle ne vit dans la base souterraine de Taverny. Leurs réserves s’épuisent lentement mais c’est surtout leur moral qui est de plus en plus en berne, au point que les suicides se multiplient. Le commandant de la base décide alors qu’il est temps de réagir. Pour ce faire, il envoie le capitaine Franck Masson, un commando de l’air, en mission dans Paris afin d’y prendre contact avec les quelques poches de survie qui s’y trouvent — des photos satellites l’attestent – et créer avec les survivants des liens qui seraient à la fois le ferment d’une renaissance sociétale, voire nationale, et aussi une source d’espoir et de projets pour les enterrés volontaires de Taverny. Masson est un « soldat d’Épinal », courageux, discipliné, patriote, catholique – l’homme de la situation, donc.
Largué par hélicoptère près de la butte Montmartre (la première des trois stations de son calvaire), il entreprend une dangereuse tournée dans l’inconnu – même si le vrai danger, désormais, vient aussi souvent des hommes et des chiens errants que des zombies eux-mêmes. Pour tout équipement, un uniforme, un Famas, une radio-satellite histoire de contacter sa base, des rations, et un carnet pour noter ce qu’il voit et entend afin d’initier une nouvelle mythologie, la culture populaire des temps nouveaux.
Première étape : la butte Montmartre et sa « République » foutraque. Dirigée par un ex-animateur télé, confite dans un passé qui ne veut pas mourir, on y trouve, sous une bonhomie et une liberté affichées, une société perverse dont certaines des pratiques sont bien peu ragoutantes. Second arrêt : le parc des Buttes-Chaumont, où s’est installée une communauté autogérée plutôt pacifique. Plus digne sans conteste que le précédent, ce groupe humain n’est néanmoins à l’abri ni des dissensions internes, ni des agressions externes, ni, surtout et toujours, des diverses pénuries qui rendent la vie difficile et nécessairement courte. Enfin, ultime stop : l’île de la Cité, étroite langue de terre isolée devenue une sorte de mini théocratie illuminée gouvernée par les autorités ecclésiastiques et policières du lieu – un genre de parvis de Notre-Dame hugolien avec des motos. Partout, Masson doit s’intégrer – jusqu’à créer parfois des liens forts – pour voir si un rapprochement est possible, sans abandonner néanmoins ses valeurs. Mais toujours sa mission prime, toujours il va de l’avant, bravant les périls des transits et les risques de chaque nouvelle insertion. Paris a changé, radicalement, et, conséquence, notre héros change aussi, gauchi par la réalité qu’il traverse et les rencontres qu’il y fait, jusqu’à comprendre qu’il lui faut aussi dans sa tête aller de l’avant.
Pour rythmé qu’il soit, Nécropolitains n’en est pas moins alourdi par le luxe de détails donnés par l’auteur. Rodolphe Casso adore Paris, son roman le hurle. D’interminables descriptions, qui rendent le texte sans doute trop long, décrivent les lieux, les boutiques, les rues, les structures de la vie urbaine (canaux, métros, ponts et compagnie). Ce n’est jamais désagréable, mais on peut penser que cette façon de décrire Paris dans ses moindres détails avant (ou afin) d’y placer le malheur parlera plus aux Parisiens, qui reconnaîtront des lieux dans lesquels ils vivent (encore) une vie normale, qu’aux autres habitants du désert français. Le tout fait très parigot, des lieux emblématiques jusqu’aux références à Aristide Bruant. Concernant le ton, le texte oscille entre — parfois – une ironie gouailleuse à la Audiard, et – souvent – un anarchisme visuel à la Fluide Glacial ; régulièrement, on croit voir des personnages ou des situations à la Goossens. On accrochera… ou pas, selon ses goûts propres.