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Les critiques de Bifrost

Nécroscope

Nécroscope

Brian LUMLEY
FLEUVE NOIR
480pp - 7,60 €

Bifrost n° 35

Critique parue en juillet 2004 dans Bifrost n° 35

Brian Lumley, né neuf mois après la mort du grand H.P. Lovecraft, s'est d'abord fait connaître pour ses hommages au maître de Providence, notamment avec la série Titus Crow, loin d'être scandaleuse mais sentant parfois trop le pastiche bas de gamme. Mais c'est avec le cycle Nécroscope (treize volumes publiés au moment où j'écris ces lignes), que Lumley a rencontré un succès mondial (sauf en France, où il reste un parfait inconnu et semble condamné à le rester).

Dans ce premier volume, nous découvrons Harry Keogh — à la fois héros et anti-héros de la série. Harry a le pouvoir de converser avec les morts ; c'est un nécroscope, un être qui scrute les territoires de la mort avec son esprit tout comme nous utilisons des télescopes pour scruter le ciel ou espionner la voisine d'en face au moment fatidique du « tomber de sous-tif ». Nous sommes en U.R.S.S. en 1971 (année bénie s'il en est, exceptionnelle, puisque dans la réalité elle a vu la naissance à quelques mois d'écart du Org et du Vicious). Ces enfoirés de buveurs de vodka — les espions russes — ont décidé de réveiller une puissance vampirique hors du commun, enfouie quelque part dans les Carpates : Dragosani (c'est toujours marrant de voir des communistes s'intéresser à l'aristocratie des ténèbres). Heureusement, les espions britanniques sont là pour empêcher cette catastrophe et ils ont un atout de taille dans leur poche… STOP ! C'est étonnant et un tantinet inquiétant, cette trame rappelle grandement celle des Puissances de l'invisible de Tim Powers, écrit presque quinze ans plus tard ; il suffit de remplacer 1971 par 1963, Carpates par Mont Ararat, et ça marche. Outre cette ressemblance troublante, l'édition française de Nécroscope réserve une autre surprise, et elle est de taille : sa traduction. Denis Labbé est probablement un gentil garçon, tendance fan transi si on se fie au contenu de sa préface, mais il a un sérieux problème avec l'écriture romanesque et visiblement quelques lacunes en anglais. Pour s'en convaincre, il suffit de lire la page dix-sept de l'ouvrage, c'est à dire la première page du récit ; outre une phrase « suspecte », on compte sur cette seule page pas moins de dix-sept incarnations du verbe « être » alors que tout le monde sait (sauf les pontes du Fleuve Noir) que le premier devoir d'un traducteur/auteur c'est d'éviter, autant que possible, l'utilisation des verbes « être, faire, avoir, mettre ». Par la suite, la traduction semble s'améliorer, mais elle reste parsemée de phrases bancales, incompréhensibles, qui laissent à penser que le traducteur n'a pas tout compris et que personne n'a daigné relire son travail.

Dommage, Nécroscope est un bon bouquin, rythmé, avec des enjeux, de vrais personnages, une fin épatante, qualités que l'on reconnaît malgré le brouillage occasionné par la traduction à géométrie variable. Par ailleurs, ce roman, mais il en va peut-être différemment de la série complète, souffre à mes yeux de la comparaison avec Les Puissances de l'invisible de Tim Powers, mieux écrit, mieux traduit et beaucoup plus ambitieux.

Quant au tome 2 de la série, Vamphiry, que j'aurais dû critiquer ici même … primo, parler de l'histoire m'aurait obligé à révéler la fin de Nécroscope ; secundo, j'en ai cessé la lecture page 7 quand le préfacier et traducteur Denis Labbé présente ainsi son travail :

« Voici enfin, dans une nouvelle traduction, la suite des aventures de Harry Keogh et des réseaux-E britannique et soviétique. Lors de sa première sortie en 1997, chez un éditeur qui a aujourd'hui mis la clef sous la porte [Lefranq], des problèmes éditoriaux, juridiques, économiques et humains n'avaient pas permis à Vamphyri de bénéficier d'un travail à la hauteur de la qualité du roman. »

Faut-il en rire ou en pleurer ? Je vous laisse seuls juges, moi je vais faire un petit tour sur amazon.co.uk pour pouvoir suivre les aventures de Harry Keogh dans une langue que je comprends.

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