On nous promet un space opera total où la communauté humaine, gigantesque état galactique et bienveillant, se découvre soudain aux prises avec un Adversaire inconnu qui anéantit les mondes les uns après les autres, comme pour s’en nourrir. Le lecteur suivra ce conflit à travers trois protagonistes. Tjasse Ewy, un ado vivant sur un monde rural où il se voit condamné à la déportation pour avoir occis le meurtrier de sa sœur. Czar Santo, un détective privé soi-disant truculent, contacté par un oligarque flirtant grave avec le côté sombre de la loi. Et Giana Miracle, qui n’en fait pas, lesbienne et « marine » qui flingue du Négro variant à tout va dans les colonies qu’il faut remettre au pas, non mais… Autant pour la bienveillance ! Ajoutons Lynette Landstrom, fille et/ou femme de l’oligarque bientôt mort qui chipe fissa le rôle de Santo et le traine sur cinq cents pages comme un boulet. Kausar, l’amante gradée de Miracle, une poignée d’IA qui servent, elles, à quelque chose, et la religion de Cao Dai qui ne sert à rien.
L’Adversaire (le Nemrod du titre, c’est lui), nous rappelle au début « L’Aube de la Nuit » de Peter F. Hamilton ; la fin se rapprochant plutôt, quant à elle, du Cinquième élément de Luc Besson (aïe), à l’instar duquel Olivier Bérenval a parsemé son roman d’une pléthore de références comme s’il tenait à tout prix à nous faire comprendre qu’il avait bien lu toute sa SF étant petit, avec le même enthousiasme que l’on avale sa cuiller d’huile de foie de morue pour nous la régurgiter aujourd’hui.
Si la lecture de Nemrod abonde en citations de Victor Hugo, elle laisse surtout une interminable liste de « Pourquoi ? ». Les diverses péripéties sont liées par un lien si lâche qu’il est au final difficile de parler de dénouement. Il n’y a pas d’intrigue à proprement parler. Juste un enchaînement d’événements sans liens de cause à effet. Les personnages ne servent à rien. Au début, l’adversaire semble être une entité vorace qui dévore les mondes sur lesquels elle s’abat comme une nuée de locustes, on pourrait penser à de la nanotechnologie, jamais évoquée, dans le genre de celle de La Proie, de Michael Crichton, à l’échelle cosmique. À la fin, l’adversaire disparaît de son plein gré, comme au terme d’une quête spirituelle où l’humanité incarnée en une sorte de trinité élémentale lui aurait livré quelque Graal… Vous connaissez ce jeu de poivrot consistant à verser dans le plus grand verre (un verre de cinq cents pages !) un peu de toutes les boissons disponibles que le perdant doit boire ? Et bien, j’ai perdu à la version littéraire de ce jeu qui s’appelle Nemrod. Une purge.