D'ordinaire, les choix éditoriaux des responsables des éditions Bragelonne ne sont pas en phase avec mes goûts de lecteur ; les histoires de quête et de hache me laissant de marbre. Cette fois néanmoins, le péritexte de NéoAddix avait de quoi me séduire, et m'en voilà bien marri.
Paris, XXIIe siècle, 3e Empire… Une déclinaison futuriste du steampunk ? Ça promettait une certaine originalité… Le roman, une fois n'est pas coutume, tient les promesses de la quatrième de couverture avec une bonne couche de rab, mais voilà, tout ça nous est balancé en vrac à la gueule sans beaucoup plus d'organisation qu'une pelletée d'ordure. Alors certes, le roman est endiablé. Mais mal foutu au possible et on a quelque mal, pour le moins, à suivre.
On a un type, genre « serial killer », qui étripe les gens sur les quais de la Seine, façon Jack. Il habite un hôtel particulier avec sa petite-fille, Maxine, et Monsieur Rosary, également tueur.
Il y a Clare Fabio, chef de la police qui tombe en disgrâce comme on tombe enceinte suite aux meurtres d'un dignitaire américain et d'un médecin légiste pédophile qui aurait été mieux en nécrophile… Passée à tabac, elle s'enfuit et va faire un tour à Londres comme si de rien n'était.
À Londres, justement, il y a aussi Alex Gibson, journaliste d'investigation avec un œil caméra qui enquête sur des assassinats de clochards parisiens et cherche à entrer en contact avec Raz, hacker de son état, qui assiste à la crucifixion de Gibson par Rosary, lequel la ramène chez lui, à l'hôtel particulier.
À Edo (Tokyo), Johnnie (mnemonic) nous joue un set dans le cyberspace pour le compte de yakusa qui le remercient d'une volante dans le palpitant.
À M'Dina (non, pas Médine), l'église du Christ Généticien se met en joie de nous remettre sur pieds Gibson et Johnnie, la pression de Clare Fabio n'y étant pas étrangère. Plus tard, au fond du désert, Johnnie se voit chargé d'améliorer médicalement le pisse-copie qui, ayant déjà été crucifié, pourrait faire un bon messie…
Comme dans un roman d'Agatha Christie (rassurez-vous, c'est le seul point commun), tout ce beau monde se retrouve à l'hôtel particulier du Prince, égorgeur invisible des quais mais lui-même mourant bien qu'immortel, qui s'en va joyeusement étriper une étudiante tchèque, Raz et Gibson accrochés à ses basques, et Maxine aux leurs.
Tous les méchants, le Prince, M. Rosary, le yakuza et Pierre Nexus, le ministre de l'intérieur qui a viré Clare Fabio — on l'avait oublié, celui-là, tant il ne sert à rien — se retrouvent sous terre pour le rituel d'immortalité de la secte qu'ils dirigent.
Cela étant, les bons, tout aussi nombreux et inutiles, ne se laissent pas faire et il s'ensuit un bel affrontement cyber-mental dans les catacombes, lieu éminemment hi-tech comme chacun sait. Le tout sous le haut patronage de Ianma, une I. A….
Ne manquent plus qu'un séjour à Venise, un prêtre catholique irlandais, un terroriste prêt à faire sauter un stade bondé et des Apaches tombant du ciel pour faire comme dans Casino Royale. Qu'ajouteriez-vous ? Bikini Girls with machine guns pour faire couleur locale, peut-être ?
Vous l'aurez compris, ce roman est un foutoir sans nom. Quant à la cohérence, elle est plutôt aléatoire et il appartient au lecteur de l'établir à la va-comme-je-te-pousse. C'est une sorte de foire, un bric-à-brac extravagant, ahurissant. Pourquoi le légiste a-t-il été tué ? Peut-être bien parce que dans l'esprit du truc, dans le doute, il ne faut pas s'abstenir, ou bien alors c'était juste pour le fun ? Comment le journaliste a-t-il été promu de témoin gênant à messie ? Et la petite-fille du Prince ? Etc. Il faut croire que tout ça menaçait la secte, mais comment ?
Ce roman n'a pour lui que son rythme stroboscopique. La lecture en est facile mais l'approximation de la chute est telle que l'on tombe de haut.