Laurent VERCUEIL
LE BÉLIAL'
288pp - 18,90 €
Critique parue en janvier 2023 dans Bifrost n° 109
L’ambition de la collection « Parallaxe » est de proposer des essais de vulgarisation scientifique sous un prisme culturel ludique ; celle de Neuro-Science-Fiction est encore plus grande : fusionner SF et neurologie en un véritable domaine hybride appelé Neuro-SF. Affirmons-le d’emblée : l’entreprise est une franche réussite, tant sur le plan de la vulgarisation (l’auteur emploie des concepts pointus tout en restant toujours compréhensible et agréable à lire) que de l’alliage de ces deux domaines, l’un culturel, l’autre scientifique, à condition d’adhérer au postulat de départ qui est qu’outre les deux domaines divisant traditionnellement la science-fiction (technique et politique), il y en aurait un autre, spécifiquement centré sur le cerveau (vue à laquelle votre serviteur n’adhère pas vraiment, tant les textes relevant du troisième domaine peuvent facilement trouver place dans les deux autres, mais admettons). Précisons toutefois (ce que l’on pourra regretter) que Laurent Vercueil ne se consacre qu’au cerveau organique, laissant donc totalement de côté tout ce qui est améliorations cybernétiques et (plus dommage encore) Intelligences Artificielles.
Dans sa fusion entre ces deux domaines, l’auteur fait évidemment preuve d’une grande compétence dans le premier (la neurologie), puisqu’il est médecin et chercheur dans ce champ scientifique. Sans grande surprise, c’est aussi un fin connaisseur du champ SF, prérequis indispensable à la rédaction de tout essai dans ce domaine culturel. On reste toutefois admiratif devant l’ampleur de ladite érudition, puisque loin de se contenter des exemples les plus évidents d’exploitation du cerveau en SF, il mentionne des textes moins connus, étant dès lors d’une grande pertinence. L’essai est structuré en deux parties : la première part des trois caractéristiques le plus souvent prêtées aux cerveaux extraterrestres en SF (vaste intelligence, contrôle des émotions et agressivité/ défaut d’empathie) et explique comment nos connaissances en neurologie peuvent les rendre crédibles/possibles ; la seconde partie, deux fois plus longue, fait plutôt l’inverse, partant donc du cerveau humain, passant en revue les connaissances actuelles dans divers domaines (sommeil, mémoire, intelligence, etc.), et examinant ce que la SF en a fait à grand renfort d’exemples. Certains clichés sont aussi examinés et démystifiés.
Essai très convaincant forgeant un véritable domaine hybride à partir d’un champ scientifique (la neurologie) et d’un champ culturel (la SF), au style fluide et au ton agréable, vulgarisé de main de maître, voilà un ajout de poids à la collection « Parallaxe ». Espérons que l’auteur en proposera une suite centrée sur les IA et la neuro-cybernétique !