Chantal PELLETIER
GALLIMARD
208pp -
Critique parue en octobre 2019 dans Bifrost n° 96
Futur proche. Les années 2040… La France et le monde n’ont guère changé. À en croire nos deux romancières, Silène Edgar et Chantal Pelletier, c’est pareil… en pire. Comme chacun sait, l’enfer est pavé de bonnes intentions : la santé, l’écologie… Un monde voulu meilleur.
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Du côté de Chantal Pelletier et de son Nos derniers festins, nous sommes en juin 2044. La température ne descend pas sous 40° à l’ombre, et les gens ont des « permis de table » à points, en fonction desquels ils peuvent manger ce qu’ils veulent ou non. La « Bouf-fe » est devenue sacrée, l’objet d’un véritable culte, mais tous n’y ont pas accès, évidemment. Il y a comme une sorte de prohibition. Et – corollaire – du marché noir, des clandés, des trafics en tous genres avec toute une pègre proliférant autour. Anna Janvier et Ferdinand Pierraud sont des contrôleurs alimentaires chargés de verbaliser les contrevenants, restaurateurs ou convives. Les chapitres les mettant en scène alternent avec ceux où l’on suit Lou Madec, restauratrice lesbienne, veuve, ancienne des forces spéciales et ex-taularde qui n’a pas forcément eu la vie facile. Et tout commence par un cuisinier ébouillanté dans son faitout… La France de Pelletier est au bord de la guerre civile, entre partisans de la bonne bouffe et vegans antispécistes. Attaques de boucherie, de restaurants, manifestations violentes et attentats sont le lot quotidien de tout un chacun…
Bref, voilà deux exemples d’une anticipation sociale à la française. Deux romans aux intrigues qui font leur office sans s’avérer d’un intérêt spécialement remarquable, mais qui invitent le lecteur à s’interroger sur l’avenir de la société dans laquelle nous vivons. Silène Edgar questionne le rôle social de l’écrivain et, plus largement, celui de l’artiste. Chantal Pelletier, elle, demande comment préserver une certaine qualité de vie compatible avec les impératifs écologiques. Politiques sociales et de santé, agriculture bio, antispécisme, rôle de l’artiste, autant d’enjeux centraux auxquels se frottent nos autrices. Ces deux livres actualisent, dans une approche finalement assez politiquement correcte, des questions soulevées naguère par Carton blême de Pierre Siniac, même s’ils restent très en retrait d’un roman comme Corpus Delicti : un Procès, de l’Allemande Juli Zeh. Ce qui ne signifie pas qu’ils soient inintéressants.