Joe HILL
JEAN-CLAUDE LATTÈS
624pp - 22,90 €
Critique parue en avril 2014 dans Bifrost n° 74
Charles Manx est un homme qui aime tellement les enfants qu’il ne supporte pas qu’on les maltraite. Lancé dans une guerre sans fin contre les parents irresponsables et abusifs, il sauve leur progéniture et emmène les petits, libérés du terrible joug parental, dans un endroit joyeux où ils vivront éternellement heureux. Leur destination n’est autre que Christmasland, où chaque soir est une veille de Noël et chaque jour a son lot de cadeaux et de rires.
Non, attendez, il y a un problème. Recommençons…
Charles Manx est un vampire qui se nourrit de l’essence vitale des enfants. Il sillonne les USA au volant de sa Rolls Royce Wraith immatriculée « Nosfe-ra2 » et kidnappe quiconque de moins de douze ans croise sa route grâce à son acolyte musclé qui rêve de vivre à Christmasland. Sur le trajet vers ce pays inscrit aux marges de notre monde, Manx absorbe peu à peu l’innocence de ses victimes, qui deviendront des êtres cruels dénués de toute empathie, comme lui. Nul ne semble pouvoir arrêter cette créature démoniaque. Nul excepté une petite fille, Victoire, qui arrive à matérialiser un pont disparu la menant là où se trouve ce qu’elle cherche. Mais comment Vic pourrait-elle lutter contre le mal incarné ?
À travers une poignée de récits forts (Cornes, Le Livre de Poche) ou la série comics des « Locke & Key », Joe Hill a réussi à rapidement gagner le titre de (nouveau) maître de l’horreur (bon sang ne saurait mentir, puisque Joe Hill n’est autre que le fils d’un certain Stephen King). Nosfera2 vient, presque sans surprise, confirmer qu’il le mérite amplement. Alors que ce livre est une brique bien fournie, il se dévore en un rien de temps tellement le lâcher s’avère impossible une fois l’histoire commencée. C’est que tout y est : angoisses enfantines exploitées pour traumatiser les adultes, fantastique qui flirte avec le réel tout en nous éloignant lentement mais sûrement de celui-ci, et, surtout, héros attachants. C’est d’ailleurs là que réside très certainement le secret du succès de Joe Hill, sa capacité à croquer des personnages qui sont à la fois spéciaux et pourtant normaux. Avec en prime, cette fois-ci, le plaisir de trouver entre les pages de ce roman une héroïne tout ce qu’il y a de plus recommandable, d’autant qu’elle s’éloigne de la plupart des clichés du genre.
Au-delà de ses personnages, Nosfera2 possède d’autres atouts, notamment un rythme endiablé, même si l’histoire n’aurait pas souffert d’un léger coup de rabot. Et si l’on aurait pu espérer un peu plus d’audace de la part de Joe Hill dans le choix de son finale, on apprécie la manière dont il arrive, contre toute attente, à impliquer son lecteur dans des registres qu’il ignorait même avoir envie de lire.
Dès lors, si Nosfera2 ne renouvelle pas le genre du récit fantastique d’horreur, il offre une histoire solide et convaincante qui permet de passer un moment plus qu’agréable en sa compagnie ; ceux qui ont l’impression de ne plus trouver de bons romans d’horreur dans l’offre éditoriale actuelle savent ce qui leur reste à faire.