Adrien TOMAS
MNÉMOS
220pp - 18,00 €
Critique parue en octobre 2014 dans Bifrost n° 76
L’Ouest américain est mort, son cadavre pourrit sous un tapis de neige. Où sont passés les outlaws d’antan, les cow-boys, les cités pionnières et les shérifs atrabilaires ? Réduits à la portion congrue, histoire de teinter d’un vague vernis contextuel une intrigue paresseuse, percluse de clichés et de lieux communs. Et les Indiens ? Ils ont filé, forcément à l’indienne, laissant leur place à des personnages dépourvus d’épaisseur. Des stéréotypes guère convaincants.
Reprenons. Auréolé en 2012 d’un prix aux Imaginales pour La Geste du Sixième Royaume, Adrien Tomas délaisse la fantasy pour arpenter les territoires de l’inquiétude. A l’instar d’un Wayne Barrow, troquant le vampire contre le loup-garou, il implante l’un des plus vieux mythes de la vieille Europe dans le nouveau monde. Pourquoi pas ? Hélas, la couverture, un photomontage bricolé à la va-comme-je-te-pousse, illustration de mauvais goût sans style, n’augurait pas du meilleur. Sur ce point, toutes les promesses sont tenues.
Notre-Dame des loups, troisième roman de l’auteur en quatre ans, n’a pas que les apparences du brouillon vite torché. Il en comporte tous les stigmates. Avec beaucoup de diplomatie, nous pourrions dire que l’histoire a du potentiel. Malheureusement, celui-ci pointe aussi aux abonnés absents. A sa place, il faut se contenter d’une intrigue mollassonne, répétitive et prévisible, sans aucun trait d’esprit ou de génie. On doit même se faire violence pour achever (euphémisme) cette longue traque (à peine 180 pages pourtant) jusqu’à l’hallali.
Le roman pourrait se dérouler n’importe où tant l’Ouest décrit par Adrien Tomas s’avère ectoplasmique. Un décor de carton-pâte réduit à sa plus simple expression dont l’éditeur croit utile de matérialiser les contours en nous gratifiant d’une carte des lieux. Mais ceci paraît anodin comparé à l’écriture de l’auteur. Celui-ci confond tension dramatique et je te braque un gros gun à la gueule et je te postillonne dessus. A aucun moment, on ne se sent oppressé par le suspense, et si l’on frémit d’horreur, c’est en découvrant, au détour d’une page, une métaphore audacieuse comme par exemple ces « chambres probablement enneigées par la poussière »… Quant aux personnages, ils ne déparent pas dans la longue liste des poncifs de série Z. Un cowboy fébrile de la braguette (ou de la gâchette, je ne sais plus), un ex-correspondant de guerre (très rapidement ex-vivant), un ersatz de Van Helsing, une négresse adepte du vaudou accompagnée d’une meute de chiens, un vieux fondeur (pas de bronze, je vous rassure), et un maître de chasse caractériel, l’auteur nous gâte. Mais, la palme du n’importe nawak revient sans conteste à l’Indienne, aussi crédible dans son rôle que Carla Bruni interprétant C’est quand qu’on va où ? de Renaud.
Pourtant, Adrien Tomas tente bien de se sortir de la routine où il s’enferre, histoire peut-être de montrer qu’il est capable d’élargir sa palette d’écriture. En optant pour la multifocalisation, il fait un choix narratif qui pourrait introduire un peu de complexité dans son récit. Las, les narrateurs ne font que passer, mêlant leur voix dans une unité de ton monotone qui finalement n’apporte rien, y compris du point de vue du suspense.
Bref, ce roman nous le confirme, le plomb ne se transforme jamais en argent. L’alchimie déployée par Adrien Tomas dans Notre-Dame des loups ne convainc guère, voire pas du tout. Pour qui apprécie peu le style pompier, mieux vaut passer son chemin.