Will McINTOSH
FLEUVE NOIR
368pp - 19,90 €
Critique parue en juillet 2014 dans Bifrost n° 75
2023. Depuis quelques années, le monde sombre dans la crise. Le chômage se généralise, la pauvreté devient la norme et notre planète subit de plus en plus de saccages. C’est le début d’une apocalypse lente qui se profile. Comment affronter cet univers agonisant ? La réponse semble être pour certains dans ce nouveau virus, le Docteur Bonheur, qui promet de vous rendre béats. Pour d’autres, comme Jasper, elle se trouve dans la vie en communauté, dans la tribu qui vous soutient et vous maintient en vie. Et dans l’amour, bien sûr.
Car c’est bien là la thématique centrale de Notre fin sera si douce, qui aurait pu être modestement sous-titré « L’amour au temps de l’apocalypse ». Will McIntosh décortique ici les nombreuses relations de Jasper, héros simpliste qui, alors que la fin du monde s’accomplit petit à petit autour de lui, ne vit que pour trouver celle qui sonnera comme une évidence à son cœur. Nous voilà embarqués dans sa quête d’absolu, nous demandant qui de Sophie, la maîtresse interdite lui envoyant des SMS enflammés, de Deirdre, la chanteuse allumée à la poitrine divine, ou d’Ange, la meilleure ami attitrée pour laquelle l’amitié passe aussi par le sexe, sera l’heureuse élue de cet homme qui refuse de se laisser mourir avec sa planète.
Notre fin sera si douce avait tout pour être un livre marquant. Cette idée d’apocalypse lente, perturbante et pourtant tellement pertinente, avait déjà de quoi séduire. Si l’on rajoute à cela quelques concepts originaux comme les jihadistes dadaïstes semant la terreur avec leurs actes meurtriers, violents, totalement gratuits et entièrement absurdes (certainement l’élément le plus intéressant du roman, le plus glaçant également, encore plus que l’agonie d’un monde incapable de survivre), ou comme le Docteur Bonheur, ce virus permettant d’être heureux et insouciant, Will McIntosh avait de quoi tournebouler ses lecteurs. Cependant, il délaisse complètement ses idées les plus prometteuses pour s’occuper uniquement de la vie amoureuse de son héros.
Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose, mais ce n’est pas forcément ce que le lecteur de romans apocalyptiques et post-apocalyptiques recherche. Dès lors, celui-ci pourrait être désarçonné par une histoire qui, certes, se laisse lire toute seule, mais repose trop sur des stéréotypes agaçants et des personnages n’offrant pas grand-chose d’intéressant pour remplacer ces concepts ayant à peine eu le temps d’exciter l’intérêt du lecteur avant d’être laissés de côté.
Alors certes, Notre fin sera si douce conviendra sans doute à ceux qui recherchent surtout distraction et amusement léger sans conséquence (ça fait du bien, de temps en temps). Mais pour peu qu’on attende plus d’une histoire de science-fiction, il sera difficile de trouver quelque chose à se mettre sous la dent avec ce premier roman de Will McIntosh, sauf à être particulièrement versé dans les romances à la sauce « jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare »…