Plume D. SERVES
LES MOUTONS ÉLECTRIQUES
320pp - 25,00 €
Critique parue en octobre 2023 dans Bifrost n° 112
Premier roman de Plume D. Serves, à qui l’on doit quelques nouvelles (dans Galaxies principalement), Nous sommes la poussière se présente sous la forme d’un livre de moyen format à la couverture rigide et légèrement granuleuse, qui fait écho au récit. Celui-ci prend place de nos jours, probablement. Jeune femme autiste, Elias est frappée par de nombreuses crises de fatigue, lui donnant l’impression de ne rien voir ou rien entendre. Comment avancer dans ses études dans de telles conditions ? Ne vaut-il pas mieux tout arrêter ? Son état serait-il dû à ces « particules de poussière magnétique » dont la science ne sait pas encore grand-chose ? Des traitements expérimentaux permettent de juguler ces PPM mais, pour qui porte les mailles, ces bracelets de cheville, le remède n’est pas beaucoup mieux que le mal. Peinant dans un premier temps à s’accepter comme handicapée, Elias va peu à peu s’assumer comme telle et comprendre que sa situation n’est pas une fatalité, qu’elle peut s’en emparer et devenir actrice de sa vie. Dans le même temps, la jeune femme tente de trouver un équilibre dans sa vie sentimentale avec sa compagne elle aussi touchée par les PPM… En parallèle, chaque chapitre est encadré par deux interludes, l’un narrant les impressions d’une personne magnéto-sensible, l’autre celles d’un ingénieur ayant participé à la conception des mailles.
La quatrième de couverture parle d’une « véritable parabole sur l’autisme, l’anti-validisme, et le handicap invisible » et… c’est exactement cela. À cette aune, l’aspect imaginaire du récit reste secondaire, les PPM étant au bout du compte une métaphore sur le handicap. Une métaphore bien vue, mais qui reste, justement, une métaphore, empêchant le roman d’aller trop loin dans la spéculation. Que l’on se sente concerné ou non, Nous sommes la poussière, narré à hauteur de personnages, marque toutefois par sa sincérité : les injonctions stériles à aller mieux, le victim blaming, les solutions inadéquates des services publics, l’ostracisation des malades… Alors pourquoi pas.