Premier recueil de nouvelles de Pierre Bordage, Nouvelle vie™ reflète parfaitement les thèmes chers à l'auteur, avec cette petite touche de désespoir qui en rend la lecture déprimante. Mais si le constat est dur, le livre n'est finalement pas autre chose qu'un appel à la résistance, ce dont aucun lecteur de S-F ne se plaindra.
Parmi ces treize courts textes, on retiendra la nouvelle titre, inquiétante exploration d'une société qui a fini de breveter le vivant. Conséquence logique, le capital génétique des individus peut tout à fait appartenir à une entreprise… Autant pour la liberté démocratique tant vantée, autant pour les lois éthiques tant louées, autant pour les bienfaits du libéralisme tant désiré, autant (et c'est sans doute le plus grave) pour les relations normales entre parents et enfants. Au fil des pages se dessine le paysage mental d'un auteur tout à tour intimiste (« Cheval de troie », une jolie parabole sur la création), polardeux techno-SF (« Kali la démente », traitement classique du clonage à la sauce Maigret) ou franchement désespéré (« Tyho d'Ecce », brillante description d'une sanglante campagne colonisatrice), avec cette obsession systématique de l'oppression des individus par des entités si puissantes qu'elles en perdent toute notion d'humanité au profit de la rentabilité. Dès lors, aucune morale, aucune éthique n'est applicable, et les individus doivent survivre comme ils peuvent, sans que jamais se dessine ne serait ce que l'espoir d'une porte de sortie. On pourra reprocher une certaine forme de simplisme à l'auteur, mais on ne pourra nier l'efficacité de ses nouvelles, toutes intelligentes et angoissantes, porteuses de questions et parfaitement logiques quant au futur qu'elles anticipent. Brrrrr.