Qui est Oregon ? Jeune agent de la Section de Sécurité Prédictive, elle accomplit des missions risquées dans les Territoires ouverts, où se cachent les dangereux fous de Dieu et autres extrémistes contestant la réalité du monde. Certains d’entre eux, les Raconteurs, réfutent même le calendrier, prétendant vivre en 2065 au lieu de l’année 2015. Cinquante années escamotées par le pouvoir pour cacher la vérité à la population. Longtemps, Oregon a défendu l’ordre établi, chien de garde zélé, formé dans les meilleures écoles du régime. Mais un message de son père, autre loyal défenseur du système, la fait changer de trajectoire. Après un détour par l’Institut, où était confiné son frère victime d’une crise psychique, le duo rejoint le point de rendez-vous fixé par leur paternel, dans un village abandonné des Causses. Un retrait du monde, prélude à une longue attente et à l’arrivée d’un vagabond inconnu, moribond. Envoyé par son père, il propose à Oregon une drogue afin de désinhiber sa mémoire et lui dévoiler ainsi la véritable nature de la réalité…
Oregon rassemble les quatre volumes du cycle « Les Raconteurs de nulle part », pour l’occasion découpés en cinq saisons. En grande partie remanié par rapport à la série parue dans les années 1990 au Fleuve Noir, le récit se focalise sur Alice Terance, aka Alice Viron, alias Oregon, racontant son périple jusqu’au gouffre de Padirac, épicentre d’un phénomène de falsification de la réalité. Dans Oregon, on retrouve quelques-unes des thématiques préférées de Pierre Pelot. Un monde truqué, en proie aux manipulations d’un pouvoir autoritaire. La solidarité entre des individus face aux circonstances. La quête de liberté, même si la cause semble désespérée. Le rôle démiurgique de l’auteur, raconteur d’histoire, faiseur de monde. Et enfin, un goût certain pour les trouvailles langagières. Bref, l’amateur du romancier vosgien ne peut que se réjouir de retrouver ici les ressorts ayant fait le succès de ses meilleures anticipations.
Oregon oscille entre récit post-apocalyptique et dystopie, jouant surtout sur la confusion des repères temporels et spatiaux. Une confusion qui, hélas, contamine l’intrigue, au point de provoquer l’ennui. Un fait aggravé par une histoire paresseuse, au rythme mollasson s’attachant à des détails prosaïques au lieu de donner substance aux interrogations des personnages. À force de superposer les réalités, histoire de brouiller les pistes, Pierre Pelot ne contribue qu’à perdre le lecteur dans les méandres artificiels d’une intrigue se voulant elliptique, mais qui ne s’avère au final que décousue et superficielle. Bref, on est encouragé à sauter les pages, voire les chapitres, pour atténuer le calvaire d’une lecture où même l’écriture paraît surjouée.
Dans une bibliographie pléthorique, Oregon fait donc clairement partie des titres mineurs de Pierre Pelot. Une série qu’il convient de vite oublier, même si l’on se sent l’âme d’un complétiste ou d’un fan indécrottable de l’auteur vosgien. Après tout, il y a tant d’autres bons romans à découvrir dans son œuvre.