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Les critiques de Bifrost

Os de Lune

Jonathan CARROLL
AUX FORGES DE VULCAIN
236pp - 19,00 €

Critique parue en octobre 2017 dans Bifrost n° 88

Tout commence par une chronique de vie, douce et banale. Celle de Cullen, jeune New-Yorkaise, dont nous suivons le flux des souvenirs. À l’instar de ceux qui concernent son voisin qui a tué sa famille à la hache, ou encore ceux de ses tristes histoires d’amour, de son avortement et de ses souffrances. Jusqu’à sa rencontre avec Danny, joueur professionnel de basketball. Les deux êtres se rapprochent, se complètent, découvrent l’Europe ensemble et fondent une famille. Ce n’est pas la fin de l’histoire, loin de là. Cullen commence à faire des rêves de plus en plus intenses, des fantasmagories peuplées de créatures fantastiques qui l’entraînent dans le monde de Rondua.

Là, avec son fils Pepsi, ce fils qu’elle n’a jamais eu, elle part en quête des Os de lune à même de sauver le royaume de Rondua. À la tête d’un groupe iconoclaste – oui, le dromadaire et le chien parlent –, ses aventures prennent parfois un tour inquiétant et menaçant. Jusqu’à ce que la frontière entre le rêve et l’illusion, entre le réel et le tangible se fasse dangereusement ténue…

Pour court qu’il soit, ce roman donne pourtant l’impression de prendre son temps, avec une économie de moyen qui explose littéralement dans les dernières pages, absolument magistrales. Jonathan Carroll pose d’abord un cadre réaliste, subtilement mené, où ses personnages prennent une belle épaisseur. À peine le lecteur s’est-il habitué que les premiers glissements s’opèrent : on entre dans un monde onirique de plus en plus déstabilisant. Le plaisir est bien évidemment dans les jeux de miroirs déformants qui lient le rêve à la réalité, le tout fonctionnant grâce au magnifique portrait de femme qui nous est ici offert.

On y ajoute une préface de Neil Gaiman délicate à souhait, et nous voilà avec un incontournable absolu. Quoi d’autre pour convaincre l’indécis ? Cette réédition – datant de 1987, le roman a été publié en France en 1990 — dans une traduction révisée est un des plus beaux cadeaux que vous puissiez faire à votre bibliothèque, un pur chef-d’œuvre signé par un des auteurs les plus sous-considérés du domaine ; une tentative de réhabilitation à ne pas rater.

Étienne BARILLIER

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