S’il est un livre que l’on peut bien qualifier d’OVNI, c’est Osgharibyan. Léo Kennel livre ici deux novellas étranges et complexes, entre poème en prose et récit de science-fiction. La première se centre sur une ville — La Ville. Celle que l’on ne peut quitter, où l’on ne cesse de se rendre, de revenir. Une narratrice aux traits peu définis, qui pourrait finalement être n’importe qui, ou encore personne, explore les méandres de cette cité changeante, tous les jours différente, dont le seul élément récurrent, le seul fil rouge auquel se rattacher, semble être une figure, parfois humaine, presque mythique, celle de Charles Osgharibyan, autour duquel gronde une révolution.
Dans « Un oiseau de secours », seconde novella du volume, plus ancienne que la précédente, et pourtant lui faisant suite (si si !), c’est cette fois la question du temps qui entre en jeu. Dans un futur où le temps, n’étant plus linéaire, n’est plus une limite, on peut alors voyager quand bon nous semble, modifier le futur ou retourner dans le passé.
C’est sur ces variations de l’espace et du temps que joue Léo Kennel, alias Odile Kennel, dans un livre-concept tout en étrangetés et en mystères. Si l’on ne peut retirer à l’autrice la qualité de sa plume, jouant sur les mots et expressions, introduisant subtilement nombre de références, d’Umberto Eco à Victor Hugo, c’est sur le fond que le bât blesse. Il n’est certes pas heureux qu’un auteur prenne (trop) son lecteur par la main. Mais de là à proposer un texte confus et peu compréhensible, il y a un gap — allègrement franchi dans ces deux récits.
Aux descriptions sans fin rendues par des phrases interminables et l’intrigue décousue du premier texte, répond le récit enchâssé à la nature obscure du second. Nul personnage ne suscite l’émotion, ces derniers s’avérant indiscernables les uns des autres, voire interchangeables, presque inutiles, en réalité. Les révoltes qui menacent d’exploser dans les deux textes n’ont pas d’origine claire, malgré plus de cent pages de développement. Elles surviennent sans prévenir, sans que l’on comprenne trop bien comment ni même pourquoi. Les figures de style se multiplient, métaphores, énumérations, accumulations, allitérations… un exercice de style, en somme, certes imaginatif, mais à l’apport thématique tout relatif, en particulier pour un genre qui a déjà tant exploré, et de manières si inventives, la question du voyage spatio-temporel. Pénible.