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Les critiques de Bifrost

La science s’intéresse à l’espace. Ce n’est pas nouveau. Les lecteurs de l’Imaginaire aussi, beaucoup. Bifrost ne peut donc pas être indifférent à ces questions. Récemment, cet intérêt s’est manifesté dans deux petits livres, aussi intéressants que distrayants, auxquels a collaboré, avec quelques corédacteurs, notre collègue chroniqueur Roland Lehoucq. Astrophysicien féru d’Imaginaire au point d’être devenu le président des Utopiales, l’énorme Roland réfléchit à la plausibilité scientifique de Star Wars dans Faire des sciences avec Star Wars, et aux mystères du Paradoxe de Fermi, en compagnie de Mathieu Agelou, Gabriel Charon, Jean Duprat et Alexandre Delaigue, dans Où sont-ils ?

First thing first, Où sont-ils ? Les Extra-terrestres et le Paradoxe de Fermi s’attaque au célèbre paradoxe énoncé par le grand physicien Enrico Fermi en 1950 (et popularisé depuis auprès du grand public par Alexandre Astier). En quelques mots : étant donné le nombre purement colossal d’étoiles dans l’univers, le nombre de civilisations spatiopérégrines devrait être très élevé aussi. Alors, comment se fait-il qu’aucune ne nous ait jamais contactés ? Sur cette question lancinante, le petit ouvrage du CNRS éditions apporte cinq éclairages.

Agelou commence par poser le problème en y ajoutant les termes de l’équation de Drake avant de balayer les trois hypothèses (car toute réponse ne peut être que fortement hypothétique) crédibles : nous sommes seuls dans l’univers, nous ne sommes pas seuls mais personne n’a encore réussi à nous contacter, nous avons déjà été contactés.

Duprat explique ensuite à quel point il est difficile de passer du milieu interstellaire à une planète habitée. Comment se forment les étoiles ? Comment se développent les systèmes planétaires dans leur diversité ? Que dire des particularités de notre propre système solaire ? Quels rôles ont joué les astéroïdes et comètes dans l’apparition de la vie ? Autant de questions qu’aborde un auteur qui nous montre que rien n’est écrit de manière déterministe.

Vient ensuite un article de Lehoucq sur l’écoute radio de la galaxie. Des balbutiements de la radioastronomie au programme SETI en passant par le mystère du signal WoW ! Lehoucq dépeint la complexité d’un projet qui implique de savoir où écouter, comment, et quoi, sans parler de savoir si même on pourrait identifier un signal comme signal. Il aborde ensuite les tentatives bien timides de l’humanité de se signaler auprès d’éventuels extraterrestres, de Voyager aux émissions ciblées plus récentes. Il termine en proposant l’hypothèse de la bulle informationnelle (les signaux vagabonds sont lents et transitoires, des flashes trop éphémères pour être repérés) comme solution au paradoxe du silence des espaces infinis.

Delaigue aborde la question sous un autre angle, celui de l’économie. Si une croissance économique infinie est impossible dans un monde fini, alors peut-être que les civilisations qui nous ont précédés, ailleurs, ont toutes fini par s’éteindre, s’effondrer (cf. Tainter ou Diamond), par excès de complexité, épuisement des ressources – notamment énergétiques –, ou destruction environnementale. Terreur malthusienne ou réalité d’expérience, le débat n’est pas tranché. Il est sous-tendu par les questions de la substituabilité des capitaux et de la gouvernance mondiale, dans un monde en croissance insoutenable. Les extraterrestres sont-ils parvenus à le résoudre ? Si c’est le cas, ils ne nous ont toujours pas dit comment.

Chardin, enfin, revient sur l’équation de Drake à la lumière des nouvelles découvertes d’exoplanètes. Et si la première partie de l’équation est plutôt confortée par les observations récentes, il s’interroge néanmoins sur les probabilités d’apparition de la vie, de la civilisation, ou la visibilité d’éventuelles civilisations contemporaines ou disparues. Invoquant ensuite la classification de Kardachev, il pose les hypothèses d’une quarantaine galactique pour nous ou celle de civilisations si lointaines qu’elles n’auraient pu avoir encore aucun contact avec nous, avant de résumer l’ensemble des hypothèses explicatives, des robots à l’effondrement en passant par la sublimation vers d’autres états de conscience. Sont-ils là, se sont-ils éteints, ont-ils quitté le monde physique, ou n’y a-t-il jamais eu personne ? Chardin laisse toutes les hypothèses ouvertes, et si le lecteur n’a pas de réponse, il a au moins les termes du débat.

[Critique de Faire des sciences avec Star Wars par ici.]

Bilan : deux livres intéressants, enrichissants et distrayants, qui montrent que science et plaisir font bon ménage.

Éric JENTILE

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