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Les critiques de Bifrost

Outrage et rébellion

Catherine DUFOUR
FOLIO
544pp - 10,00 €

Critique parue en octobre 2024 dans Bifrost n° 116

DEBBIE : La première fois que j’ai lu Outrage et rébellion, je me suis pris une belle baffe dans la gueule.

SID : La défonce, mec ! Putain, la défonce !

JELLO : Bien sûr qu’on la connaissait déjà, la Dufour. On s’était marré comme des cons avec « Quand les dieux buvaient », et puis après on s’était vachement moins marré en lisant Le Goût de l’immortalité. Dans le genre futur méchamment niqué, ça calme.

LYDIA : Tu peux lire l’un, ou l’autre, mais le mieux c’est d’enchaîner les deux : Le Goût et Outrage. Après, c’est sûr que passer du style épistolaire du premier à l’oralité rugueuse du second, vaut mieux se mouiller la nuque avant de plonger — gare à l’hydrocution.

JELLO : Évidemment, le coup de génie de Dufour, c’est de s’être inspirée de Please Kill Me de Legs McNeil et Gillian McCain, leur histoire orale du punk, pour retranscrire la parole de ces gamins sans avenir mais bourrés d’hormones, de désirs et d’imagination. Et de machins toxiques, tu t’en doutes bien.

DEBBIE : Non mais rends-toi compte, cette nuée de mômes, parqués sur ce terrain cerné de ruines de l’ancien monde, surveillés de loin mais livrés à eux-mêmes le plus clair de leur temps, qui savent comment tout ça finira pour eux même si personne n’en parle à voix haute, qu’est-ce qu’ils pouvaient faire d’autre que réinventer la défonce, la baise et la musique ?

SID : La vie, mec ! La mort quoi, mais la vie !

JOEY : Raconté d’un point de vue extérieur, étudié, analysé, ça aurait été chiant à mourir. Mais là, quand c’est les gamins eux-mêmes qui te racontent ce qu’ils ont vécu, ouais, rigole pas, mais y a des moments, ça m’a fait chialer.

IGGY : Et puis bon, arrive la fin de la première partie, et là, bim ! Uppercut.

DEBBIE : Honnêtement, le truc est tellement fort, j’ai eu du mal à enquiller.

JELLO : Non mais c’est des conneries, ça, c’est après que ça devient génial, quand le môme sort de son cadre isolé du monde réel et qu’il découvre cette société dans toute son horreur. Le fait qu’il soit le produit de toute cette saloperie ne le préparait pas pour autant à y être confronté.

JOEY : Ouais, une poignée d’ultra-riches, un océan de pauvres, séparés par trois siècles de progrès technologiques, je dis pas que ça a jamais été fait avant, je suis pas con non plus, mais quand on te colle tout en bas de l’échelle sociale comme le fait Dufour, les pieds bien plantés dans la merde ordinaire, qu’on te fait voir ce qui se trouve là-haut, qu’on t’oblige à compter les échelons et qu’on te pousse au cul pour grimper alors que t’as rien demandé, ben ouais, ça donne un truc fort. Très.

LYDIA : C’est peut-être le plus déprimant là-dedans, quand tu vois comment toutes ces révoltes sincères, viscérales, adolescentes, finissent toujours par être récupérées, encore et encore, aujourd’hui comme dans trois cents ans, par une poignée de raclures pour qui les émotions n’ont d’autre valeur que monétaire. On le découvre pas, mais c’est quand même bien gerbant.

IGGY : N’empêche qu’on se marre bien. Je dis pas que ça va te donner la patate, mais quand même, sexe, drogue et rock’n’roll, cherche pas, on fera jamais mieux.

SID : Mec, je te jure, ce bouquin, il m’a troué le cul. Tu veux voir ?

 

 

 

Philippe BOULIER

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