Ouvrir un roman de Karim Berrouka, c’est souvent partir pour une aventure délirante. Autant le dire tout de suite, avec Pam Pam au pays des merveilles, on n’est pas déçu côté déjantage, qu’il s’agisse du texte ou des illustrations de Zariel. Inutile, avec un tel titre, de préciser que le tout est bourré de références.
Insulté en plein début de sieste par une gamine vulgaire (que ceux qui n’aiment que le langage châtié passent leur chemin), Pam Pam, lapin de son état, part à sa poursuite en traversant un peu trop vite le tronc d’un tilleul. À partir de là, tout devient possible. Voilà notre lapin contraint et forcé d’affronter sans relâche des situations loufoques dans lesquelles il risque sa peau. Pas d’autre choix s’il veut quitter ce pays merveilleux où Karim Berrouka fait joyeusement régner un absurde qui doit beaucoup à notre quotidien. Râleur et prêt à en découdre – d’ailleurs, Zariel, depuis quand les lapins ont-ils des canines acérées ? –, Pam Pam fait preuve d’un (mauvais) esprit à toute épreuve pour se sortir des situations les plus improbables.
Comment feriez-vous si vous deviez gober une bulle (la bonne) pour espérer quitter un monde aussi étrange ? Si vous découvriez après deux essais malheureux que vos guides ignorent quelle est la bonne bulle ? Ils connaissent en fait les mauvaises mais sont trop effrayés par la déduction (« Nous préférons le cinéma soviétique. Et Peter Pan ») pour vous aider autrement que par des conseils du type : «Sois ton véritable toi-même, pense Normale Sup, Hypokhâgnise tes space opéras… » Et ce n’est que le niveau 1, car les énigmes du sphynx du Cheshire (hé oui !) vous attendent au tournant si vous voulez atteindre l’hypercentre (« C’est joli comme formulation, on dirait une citation de Damasio… »).
Au delà des jeux avec la logique et les mots, les mésaventures de Pam Pam offrent à Karim Berrouka et à ses lecteurs, un merveilleux défouloir. Elles sont autant d’occasions de cibler les travers de notre société, de ses entreprises et des individus qui la composent, avec le pas de côté nécessaire pour en ricaner gentiment. L’auteur est généreux et distribue des coups de griffes drolatiques à tout va (« On n’est pas des enfants, on est des achepéhis »), mais les transports ferroviaires, les médias, les sites d’achat, la très grande distribution, le capitalisme, le milieu de l’édition, de la chasse, la Justice bénéficient d’un traitement de faveur.
Tout cela — j’en passe et des meilleurs – fait de Pam Pam au pays des merveilles le roman illustré idéal pour décompresser et rire un peu en ces temps plutôt moroses.