Au crépuscule de sa vie, Jeremy Bentham, philosophe et savant, se voit confier une mission à la suite d’une tentative d’attentat contre le premier lord du Trésor, de monstrueuses créatures mythologiques ayant investi le théâtre où il se rendait. Le responsable est en fait un jeune homme capable de susciter des visions horrifiques lui permettant de franchir les cordons de sécurité. Finalement capturé, il conte son improbable enfance dans un lieu idyllique où il développa ses talents d’illusionniste, instruit par un vieil homme qui semble être le véritable instigateur. Bentham, le soupçonnant originaire de Lemberg en Galicie, s’y rend donc, croisant sur sa route d’autres apprentis assassins de dignitaires européens, tout autant dotés de pouvoirs extraordinaires, enfants qui ont tous vécu dans des royaumes enchanteurs qu’ils rêvent de retrouver. Qui les manipule, et en vue de quel gigantesque complot ? C’est ce que s’attache à découvrir Bentham, traversant l’Europe de Dresde à Trieste en compagnie de sa troupe atypique pas toujours facile à gérer, affrontant des armées et même des hordes d’enfants loups.
Au cœur du roman, un questionnement éthique sur les manipulations et le contrôle des individus dans un but idéologique, la fabrique de super-héros exploitant les pouvoirs latents de l’humain, principalement fondés sur le mesmérisme, étant l’un d’eux. La révélation finale justifie le choix du moraliste Jeremy Bentham comme personnage central, lui qui proposa un jour une prison modèle, le Panopticon donnant le titre au roman.
Si l’intrigue générale ne manque pas d’intérêt, les rebondissements s’enchaînent de façon monotone jusqu’au deux tiers, selon une trame aisément prévisible. Les révélations finales tombent un peu brutalement, dans le plus pur style des feuilletons d’antan, bavardages qui auraient mérité d’être mis plus avantageusement en scène. Le récit reste cependant fascinant, entrelaçant personnages imaginaires et réels, réinterprétant des pans d’historie à la lumière de manœuvres souterraines, qui auraient par exemple contribué à nommer Fouché à la tête de la police, et délivrant dans la foulée une explication au mystère de Gaspard Hauser ! L’écriture, fluide et élégante, est à l’aune de ce récit plus histori-que que fantastique : légère et tout à fait digeste. Un roman agréable, donc, mais qu’on au-rait aimé plus relevé.