Je ne sais pas si vous vous êtes un jour demandé ce qui fait un bon anthologiste. Pour ma part, je crois avoir trouvé une réponse. Un bon anthologiste serait un individu qui arriverait à présenter ou à rendre compte d'un auteur ou d'une idée avec des textes qu'il aime en nous faisant croire que ce sont les seuls textes intéressants sur l'idée ou de l'auteur. Mais peut-être aussi n'est-ce simplement qu'un individu ayant du goût et des exigences de qualité — et on sait que Jacques Chambon en avait. Les Livre d'or me semblent, dans le genre exercice imposé, d'une grande difficulté — une fois passé la préface biobibliocritique — dans la mesure où, si l'auteur est renommé, trouver des textes remarquables peut être ardu. S'il est en revanche possible de disposer de bons textes sans mal, c'est peut-être que l'auteur ne mérite pas encore cette reconnaissance.
Pour Vance, l'exercice relevait d'une certaine difficulté. Chambon propose sept textes, contre une moyenne de dix environ dans cette série d'anthologies. Trois dépassent les cinquante pages… et occupent plus de la moitié du volume. Cela explique sans doute que sur ces trois textes, deux soient inédits — difficile de les caser en revue. On pourra diviser le sommaire en trois groupes répartis dans le temps : trois récits pour le début des années 50, deux pour résumer les années 60 et deux pour les années 70. « Comme par hasard », le recueil s'achève, selon moi, en apothéose après nous avoir offert un petit inventaire des « richesses » du monde de Vance. Inutile de traiter chaque nouvelle ; ce qu'il faut savoir, c'est la différence entre un bon café normal et un très bon express bien serré… Les ingrédients sont les mêmes, leurs proportions et l'intensité du goût changent. Est-ce que cette formule lapidaire peut définir la différence entre une nouvelle et un roman de Vance ? Je le crois ! Et dans ce sens, l'avantage est à la nouvelle. Si je considère « Papillon de lune », je découvre une société stratifiée et figée, un langage codé — genre Parapluies de Cherbourg —, des problèmes d'identité et d'apparence ,et un rapport à l'intelligence des personnages en quête. Sans parler de la référence directe et manifeste à la Geste des Princes-Démons, on retrouve là des, voire les constantes vancéennes. Pour bien vérifier la règle classique qui veut que les exceptions la confirment, on trouve dans « Alice et la cité » un personnage féminin riche et dense qui diffère des autres personnages féminins mais qui pourrait vivre sur Un monde d'azur. Si vous me lisez, vous devez avoir un aperçu récent de Vance ; remontez donc quelque trente ans en arrière pour le découvrir pleinement ou valider vos impressions.