Angleterre, futur proche, quarante ans après la catastrophe.
Mary, soixante-dix ans, est une aide-soignante d’un genre particulier. Elle s’occupe exclusivement d’hommes dans l’établissement d’État où elle travaille.
Il faut dire que des hommes, dans le monde de Mary, il n’en reste pas beaucoup. Ceci depuis quarante ans, depuis qu’une épidémie véhiculée par des papillons de nuit mutants a affecté partout sur Terre les hommes et pas les femmes. Beaucoup sont morts très vite, les autres devenant – magie d’un micro-organisme s’installant en tel ou tel point du cerveau – des tueurs sanguinaires, non seulement meurtriers et violeurs, mais aussi malfaisants au point d’éructer bruyamment leur haine des femmes quand ils ne pouvaient pas la mettre en actes. En quelques jours, les sociétés se sont effondrées, mais tout aussi vite des femmes se sont organisées et ont pris en mains, des mains armées, à la fois leur sécurité et des tentatives souvent infructueuses de soigner les hommes les moins atteints. La société dans laquelle vit Mary est maintenant stabilisée. Les femmes y représentent plus de 99 % de la population, et les quelques hommes restants sont pour la plupart nés après la crise et ont été élevés depuis, à fin de reproduction et/ou de divertissement sexuel, dans des institutions spécialisées qu’ils ne peuvent quitter. La plupart des femmes, quant à elle, sont aussi nées après. Elles ne peuvent que difficilement imaginer autre chose qu’un monde sans hommes, ni penser les hommes autrement que comme des ressources et/ou des menaces. C’est ce qui les différencie de Mary, qui se souvient avec amour de son mari et de son fils, perdus tous les deux dans le chaos. Et voilà que Mary rencontre une nouvelle soignante, Olivia, qui pense que les hommes devraient avoir les mêmes droits que quiconque et lui laisse entendre qu’elle n’est pas seule à agir en ce sens. Contre l’ordre établi et la puissante institution ministérielle de gestion des hommes.
Dans Papillons de nuit, entre temps présent de l’action (40 ans après le drame) et flash-backs nécessaires tant à l’explication historique qu’au rappel de nuances que la société d’aujourd’hui a oublié, Jane Hennigan inverse le trope du patriarcat, comme dans une réponse oblique au monde de La Servante écarlate. Hommes contrôlés, hommes infantilisés et invisibilisés, hommes « groomés » (au sens propre), hommes utilisés comme objets sexuels ou reproductifs, pouvoir politique fort et contrôle social imposé si nécessaire par la violence voire l’assassinat, dans ce futur, la femme en situation de domination est un homme en situation de domination comme un autre. Quelle surprise ! Et, comme il y a des alliés féministes ici, il y a des alliées masculinistes dans le monde de Mary, que celle-ci va aider au prix d’une chose qui lui est très précieuse.
Guère original et peu époustouflant par son écriture, Papillons de nuit pose, à l’aide de situations trop simplement résolues et, Mary mise à part, de personnages un brin manichéens, la question de l’existence d’une domination légitime, fut-elle fondée sur le besoin de sécurité, et y répond par la négative. Honnêtement, on se demande comment il aurait pu être répondu autrement à cette question, et comme ce n’est pas pour son style qu’on se ruera sur ce roman, on se demande alors aussi un peu pour quoi. Reste un texte pas désagréable qui sortira sans doute assez vite de l’esprit.