Michael MOORCOCK, Tad WILLIAMS, David M. HONIGSBERG, Roland J. GREEN, Frieda A. MURRAY, Richard Lee BYERS, Brad STRICKLAND, Brad LINEWEAVER, William Alan RITCH, Kevin T. STEIN, Scott CIENCIN, Gary GYGAX, James S. DORR, Stewart VON ALLMEN
POCKET
256pp - 7,00 €
Critique parue en septembre 2002 dans Bifrost n° HS1 : Les univers de Michael Moorcock
[Critique commune à Le Cycle d’Elric, Par-delà le multivers et La Gloire d’Elric.]
La morale qui se dégage de ses aventures est simple :
« Pensez et agissez par vous-mêmes ; ne suivez pas les chefs ;
ne croyez en aucun Dieu, aucun héros ou rédempteur, en aucune mythologie. »
M. Moorcock
Elric, premier des grands héros moorcockiens, « albinos d'apparence quelque peu malsaine, les traits émaciés, des oreilles pratiquement pointues, des yeux dilatés et en amande, aux pupilles d'un rouge éclatant à demi démentes », est sans nul doute la deuxième grande figure mythique de l'heroic fantasy après Conan. On peut opposer point par point ce prince décadent, serviteur du Chaos, au viril barbare musclé : si Conan peut illustrer une version du mens sana in corpore sano, Elric présente au contraire un esprit torturé dans un corps malsain. C'est une créature quasi vampirique se nourrissant des âmes humaines, en même temps que l'une des incarnations du Champion éternel.
Mais Elric n'est pas seulement le double inversé de Conan : son physique s'inspire ouvertement de Zenith l'albinos, personnage d'une série de romans populaires d'avant-guerre, tandis que ses tourments psychologiques prennent racines dans ceux du jeune Moorcock, au point que celui-ci a pu déclarer, en parodiant Flaubert, « Elric, c'était moi ! »
Morbide, romantique et absolu, Elric est en effet tourmenté par des questions existentielles aux réponses toujours absentes. Qu'est-ce que la raison ? Où réside la vérité ? Quel est le but de la vie ? Ces interrogations demeurent valides dans son univers, pourtant contrôlé par l'Ordre et le Chaos : les Dieux jouent avec les hommes sans que leurs motivations soient claires, sans doute parce qu'eux-mêmes cherchent désespérément le sens de leur existence…
Elric est ambivalent : puissant et faible, empereur et paria, passionné et cynique, sensible et cruel, loyal et traître, attiré par la mort et doté d'un solide appétit de vie, « un voleur qui se croit volé, un amoureux qui déteste l'amour », « indifférent au monde et pourtant avide de vengeance »… Héros et antihéros à la fois, écartelé entre la Loi et le Chaos, il exprime l'ensemble des contradictions de l'être pensant et il affectionne les paradoxes : « De tous les mensonges, le plus subtil est la vérité. »
Enfin, en proie au doute et au sentiment de culpabilité, Elric est totalement dépendant, d'une part d'Arioch, son seigneur du Chaos avec lequel il entretient une relation d'amitié haineuse et de soumission révoltée, d'autre part et surtout de la noire Stormbringer, l'épée runique buveuse d'âme sans laquelle il n'a aucune force. Arme ambiguë, Stormbringer « tue l'ennemi, mais […] préfère le sang des amis et des proches ». Animée d'une volonté propre, c'est une véritable entité : elle utilise et protège Elric qui en réalité pourrait bien n'être que son émanation. Métaphore des « aides extérieures, autant mentales que physiques » auxquelles on préfère recourir « plutôt que soigner directement ses faiblesses », cette étrange dépendance sera sur le tard, à l'approche de la maturité, compensée par diverses drogues et par l'amour d'une femme.
Elric a été conçu dès 1955, à une époque où les revues cherchaient des histoires « à la Conan », mais il a réellement vu le jour dans Science Fantasy sur une commande de John Carnell, qui souhaitait plutôt un personnage « neuf ». Les premières aventures du Loup Blanc ont ainsi été considérées comme de la fantasy commerciale, écrite à la va-vite sans aucune prétention littéraire. Par la suite, Moorcock s'efforcera de démentir cette impression à travers de nombreux commentaires, en affirmant n'avoir « jamais écrit que deux seules histoires volontairement commerciales. »
Paradoxalement, Moorcock avoue pourtant qu'à l'époque il ne s'intéressait déjà plus à la sword and sorcery — en dehors de celle d'une poignée d'auteurs comme Leiber. Lassé du genre dès ses vingt ans, il affirme que « la meilleure part de l'heroic fantasy (…) [lui] apparaît comme désagréablement morbide et réactionnaire » et considère ses propres histoires comme « antagoniques du genre qui les a sécrétées ». Ce successeur d'Edgar Rice Burroughs et de Robert Howard préfère ainsi chercher ses ascendances littéraires chez les romantiques européens, s'inscrire dans « une tradition remontant à Scott et Byron » et s'inspirer de Camus et de Brecht.
Ces récits d'aventures « sans prétention » témoignent aussi d'une autre ambition, celle de s'appuyer sur la psychanalyse. S'il reconnaît qu'« à dix-neuf ans, [sa] problématique était quelque peu naïve », Moorcock ajoute : « c'est cependant en pleine conscience que [j'ai doté ces histoires] d'un symbolisme freudien et jungien, presque en manière de commentaire sur les travaux de H.P. Lovecraft » — dont il condamne la misanthropie. Ce symbolisme évident — il est difficile de ne pas voir un symbole phallique en Stormbringer quand Elric déclare à sa future femme : « Tu ne m'aimerais pas si cette lame ne faisait pas de moi un homme » — confère à la saga « une lourde ambiance de sexualité sous-jacente », malgré l'absence de véritables descriptions sexuelles.
Symboles et allégories sous-tendent ainsi les distrayants récits d'évasion, reflétant le mysticisme d'un « athée troublé ». Perceptible dès la lecture au premier degré, cette richesse métaphorique explique sans doute en partie le succès de la série. L'autre facteur de succès réside dans la puissance d'évocation de l'auteur, capable de susciter de ténébreuses visions fantasmatiques, d'animer de longues et grandioses descriptions par la seule beauté des images, d'allier l'impact dramatique d'une tragédie à l'onirisme d'un voyage intérieur. Même si le Nombre Incroyable de Majuscules peut agacer, même si une emphase excessive finit parfois par nuire au texte, et même si une certaine confusion règne souvent — Moorcock n'est « pas un penseur logique » —, le récit s'impose aisément par sa force.
Cette qualité se retrouve aussi dans la construction d'un décor impressionnant. Le Glorieux Empire de Melniboné, qui a vécu dix mille ans et disparu dix mille ans avant notre Histoire, est l'écrin d'une culture brillante mais cruelle et corrompue, où la magie règne et où le plaisir personnel est la valeur suprême. Sa capitale, Ymrryr la Belle, est une cité aux tours démesurées et scintillantes, enfermant le fameux Trône de Rubis. Ailleurs se développent les Jeunes Royaumes, où errera un temps le seigneur à la pâle figure. Mais ce monde n'est pas assez vaste pour Elric qui sera projeté régulièrement vers d'autres sphères, dans des lieux hors du temps ou situés entre les mondes. C'est ainsi que l'on connaîtra les « quinze plans de la Terre », les mi-mondes — des niveaux inférieurs où résident les archétypes de toutes les créatures autres que l'homme —, les royaumes des Seigneurs du Chaos et de l'Ordre, des lieux mouvants comme Tanelorn ou Château-Kaneloon, les sept aspects du Royaume Onirique et bien d'autres plans de réalités… qui, tous, font partie du Multivers. Le manichéisme de la lutte entre le Chaos et l'Ordre n'est donc qu'apparent, car outre le fait que l'Equilibre de la Balance est nécessaire, de nombreux domaines échappent à la souveraineté des deux forces, comme ceux des esprits élémentaires, le royaume des Seigneurs Gris ou encore la rebelle Tanelorn.
Bref, il est difficile de dresser une cartographie précise de l'univers d'Elric : « Le paysage de mes histoires n'est pas physique. Avant tout, il est métaphysique » déclare Moorcock.
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Venons-en aux récits. La publication des nouvelles et romans de la saga d'Elric couvre une période qui s'étend de 1961 à… demain ? Moorcock a essayé à plusieurs reprises d'écrire une « dernière » histoire d'Elric, allant jusqu'à tuer son personnage dès 1964. Mais, sans pour autant le ressusciter à la manière de Conan Doyle, il n'a jamais pu se débarrasser définitivement de ce double de papier et s'est vu condamné à étoffer sa biographie.
L'ordre de parution et l'ordre logique des histoires sont donc très différents et sans doute tout aussi valables l'un que l'autre pour présenter cette saga. Nous prendrons cependant la liberté de choisir un autre classement, relevant davantage de l'intuitif que du chronologique.
En effet, il paraît difficile de ne pas mettre en avant le quatrième tome de l'édition actuelle telle qu'elle est présentée chez Pocket, à savoir Elric le Nécromancien. Cet ouvrage constitue incontestablement le cœur de la saga, et pour tout comprendre de notre héros, le lecteur pressé pourra se contenter de cet unique ouvrage, qui doit figurer dans la bibliothèque de tout amateur de fantasy.
Le recueil Elric le Nécromancien contient en effet le récit-clé du cycle : « La Cité qui rêve ». Avec l'aide des Seigneurs de la Mer, Elric y tente de reconquérir le trône qu'il a délaissé et de délivrer la belle Cymoril, sa cousine, dont il est épris. Au dénouement, Elric a détruit Ymrrir, assassiné malgré lui la dame de ses pensées, tué son cousin usurpateur, trahi ses amis et pris la fuite. Sa vie a basculé et le paria qu'il est devenu mérite désormais les divers surnoms qui le marqueront à jamais : tueur de femme, assassin de sa race, voleur d'âmes, etc. Il se hait, déteste sa faiblesse, maudit les dieux. Il tente de jeter Stormbringer dans les flots, puis, dans un élan vital, il se résout à accepter sa dépendance en liant définitivement son sort à celui de l'épée. Tout est dit !
Ce texte, le tout premier où apparaît Elric, demeure probablement le plus intéressant de l'ensemble. Il est précédé par « Le Songe du comte Aubec », un court conte qui pose les enjeux de l'œuvre et qui, selon Moorcock, suffit à définir un nouveau genre : sword and philosophy ! « Tandis que rient les Dieux », deuxième récit-clé, met en scène un thème récurrent chez l'auteur, la quête d'un « Graal », ici un ouvrage mythique qui contiendrait la connaissance universelle. Elric y rencontre Tristelune, le Compagnon Eternel qui suivra ses pas jusqu'à la fin. Enfin, dans « La Citadelle qui chante », il rencontre le sorcier Theleb K'aarna, promis à devenir un méchant récurrent, qui souhaite établir le Royaume du Paradoxe, fait de contraires, de bizarreries et d'humour !
Les deux premiers textes de La sorcière dormante, « Le Tourment du dernier seigneur » et « Piège pour un prince pâle », sont de bons récits d'aventures où Elric, serviteur du Chaos, va commencer à entretenir des relations troubles avec la Loi que son tempérament pousse à préférer. Mais c'est avec « Trois héros pour un seul dessein » que notre héros bascule dans le Multivers : invoqué par Corum, il rencontre Erekosë, le Champion éternel « condamné à combattre pour l'éternité sans jamais comprendre pourquoi » et doit délivrer Jhary-a-Conel, le Compagnon des Champions, dont Tristelune est une incarnation.
Le récit qui ouvre le recueil L'Épée noire est en fait la troisième nouvelle du cycle écrite par Moorcock ; « Le Voleur d'âmes » — selon l'auteur, « une des histoires les plus pornographiques que j'ai jamais écrites. En termes freudiens, ce n'est rien d'autre que la description d'une nuit d'amour… » — voit enfin la mort de Theleb K'aarna, l'ennemi récurrent des quelques récits précédents. Moorcock élimine ce méchant conventionnel, facilité des récits d'aventures, qui n'est guère à la mesure du héros : désormais, les véritables ennemis d'Elric seront seulement l'absurdité de son existence et les Seigneurs supérieurs dont elle est le jouet. Dans « Les Rois oubliés » apparaît le personnage de Zarozinia, la seule femme qui fera oublier Cymoril à Elric et la seule aussi pour laquelle il se montrera capable de se battre sans l'aide de Stormbringer. Cette maturité nouvelle s'affirme dans « Les Porteurs de flamme » où Elric est désormais marié, lassé des combats et passagèrement heureux ; il s'y réconcilie même avec les Ménilbonéens survivants. Après ces deux nouvelles relativement mineures, Moorcock explore dans « Sauver Tanelorn » le mythe de cette cité fabuleuse qui a renié son allégeance au Chaos et où les errants trouvent désormais le repos. Le héros en est Rackhir, l'Archer Rouge, qui va chercher l'aide des Seigneurs Gris à travers cinq mondes, illustration de l'évolution vers un décor métaphysique et une quête intériorisée : « Vous passez vos vies à chercher ailleurs ce qui se trouve en vous. »
Près de trouver la sérénité apportée par l'âge et l'amour conjugal, Elric sera de nouveau jeté dans la tourmente dans Stormbringer, à la suite de l'enlèvement de sa femme. Les enjeux de son destin sont enfin précisés et l'affrontement final entre la Loi et le Chaos se prépare. Le Cor du destin — qu'Elric ira prendre à Roland de Roncevaux — sonnera la fin de l'ancien monde et annoncera la naissance d'un monde nouveau, le nôtre. Stormbringer fera tomber le rideau en tuant Elric après avoir sacrifié tous ses compagnons. « Pas de signification, pas de modèle, pas de but… Pourquoi alors ai-je vécu tant de souffrance ? Peut-être les dieux eux-mêmes sont-ils à la recherche de cette signification et de ce but, et ce que nous avons vécu n'est-il qu'une tentative pour les définir. »
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Ainsi s'achève le cycle original, en quatre volumes nécessaires et suffisants. Elric est mort, mais son succès public conduira l'auteur à ajouter des épisodes à la saga, en commençant par faire la lumière sur sa jeunesse.
Elric des dragons (1972) n'a qu'un intérêt biographique, relatant simplement les événements que tout lecteur avait imaginé à la lecture de « La Cité qui rêve » : l'amour pour Cymoril, la traîtrise du cousin Yrkoon qui ne voit en Elric qu'un souverain faible et décadent, etc. Ce récit n'a pas la puissance évocatrice des précédents et n'apporte finalement que peu d'éléments supplémentaires au mythe.
Le Navigateur sur la mer des destins (1976) est en revanche plus ambitieux. « Cap sur l'avenir » reprend l'idée d'une réunion des diverses incarnations du Champion : vingt héros guidé par un capitaine aveugle et un timonier muet sur une mer entre les mondes, voilà une image particulièrement forte. Malheureusement l'intrigue n'est pas à la hauteur, car très vite l'expédition se borne à rosser deux sorciers. « Cap sur le présent » raconte le destin d'un amoureux condamné à errer à travers le temps à la recherche de son épouse, qu'il a injustement tuée par jalousie : le rôle d'Elric est ici mineur mais ce beau conte est indéniablement romantique. Beaucoup plus intéressant est « Cap sur le passé », nouvelle majeure de la saga, où Moorcock revient sur le mythe des origines de Melniboné. On y apprend comment le peuple des R'lin K'ren A'a a perdu sa sérénité et sa simplicité avec la venue des Seigneurs du Chaos, en une sorte de « péché originel » ourdi par les Dieux eux-mêmes. Après sa rencontre avec l'Être Condamné à Vivre, Elric comprend que le monde n'échappera à la folie que lorsque les hommes auront appris à faire confiance à l'humanité, ce qui « impliquerait la mort de la magie. »
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Avec ces six premiers tomes s'achève l'édition « définitive » établie en 1977 par l'auteur et publiée en quasi-totalité en France par les éditions Temps Futurs. Mais, une fois encore, Moorcock ne pourra pas se débarrasser « définitivement » de son héros fétiche.
Un troisième texte sur la « jeunesse » d'Elric, La Forteresse de la perle (1989) vient s'intercaler entre les deux précédents. Quête ultra-classique d'un joyau légendaire, son principal intérêt est de nous guider, en compagnie d'une voleuse de songes, à travers les sept aspects du Royaume Onirique, de Sadanor, le Pays-des-Rêves-en-Commun, à Falador, le Pays de la démence. Autant d'épreuves où les sens et la raison d'Elric seront mis à mal, autant de tentations — comme les Croyances Perdues ou l'Amour oublié — auxquelles il lui faudra résister pour aller de l'avant. Le récit d'aventures, qui se mêle une nouvelle fois à une réflexion allégorique et nostalgique sur la nature de la réalité et des désirs de l'homme, est un peu bavard mais assez distrayant.
La Revanche de la Rose (1991) n'est rattaché au cycle que de façon artificielle car la personnalité d'Elric n'y a guère d'importance, et tout autre héros aurait pu y tenir son rôle. Ce curieux roman illustre parfaitement les défauts de Moorcock : l'intrigue est confuse, brouillonne et délayée. L'utilisation du Multivers montre ses limites : la rencontre d'Elric avec Wheldrake — personnage de Gloriana — paraît gratuite, sans réel intérêt pour l'intrigue. Seule la description d'une société tzigane qui se déplace sans cesse autour du monde sur une unique route dont les bas-côtés sont jonchés par les détritus semés lors des précédents passages confère à ce récit la valeur d'un conte philosophique. Recentrée autour de cette seule allégorie, la fable aurait pu être réussie, mais en l'état il est difficile d'en recommander la lecture.
Enfin, entre autres textes annexes, Elric à la fin des temps comprend deux récits d'Elric. « Le Dernier enchantement », écrit en 1962 mais publié seulement en 1978, devait déjà être la dernière aventure de l'albinos, mais il s'agit bien d'une nouvelle mineure dont on comprend qu'elle n'ait pas trouvé preneur. Au contraire, « Elric à la fin des temps » (1981) est un chef-d'œuvre : ce texte permet un « commentaire affectueux » sur le jeune Elric, projeté à la fin des temps, parmi des immortels tels que le Werther de Goethe et quelques voyageurs temporels comme Una Persson. Considéré de l'œil ironique d'immortels désabusés, l'emportement d'Elric paraît être le comportement d'un « petit garçon » légèrement « raseur », que l'on voit tristement incapable de raisonner autrement qu'en termes de Chaos et d'Ordre. Son romantisme adolescent, exclusif et passionné amuse un temps ces « adultes » pour qui l'existence n'est qu'un divertissement subtil et vide de sens. Dans ce texte brillant, le Moorcock de la quarantaine promène ainsi un regard mi-sarcastique mi-nostalgique sur son double de vingt ans.
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En avons-nous fini avec Elric ? Toujours pas. Le garnement échappe désormais à son créateur et vit de nouvelles aventures sous la plume d'autres écrivains. Les Contes du Loup Blanc (1994) sont parus en deux volumes chez Pocket (Par-delà le Multivers et La Gloire d'Elric) Cette appropriation et cette réinterprétation du personnage mythique par divers auteurs, de Tad Williams à Neil Gaiman1, forment une entreprise stimulante et intéressante, à découvrir. Nous ne parlerons ici que de la seule nouvelle écrite par Moorcock, « Le Chant du Loup Blanc » : une fois de plus, Elric est projeté dans une autre réalité, une fois de plus il rencontre un autre champion (ici, von Bek), une fois de plus, il va combattre… Bref, nous sommes à la limite de l'auto-plagiat.
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En conclusion, si Elric demeure une des figures incontournables de la fantasy, son cycle enferme des textes hétérogènes de valeur très différente. À part « Cap sur le passé » et « Elric à la fin des temps », aucun des récits ultérieurs à la tétralogie initiale (volumes 4, 5, 7 et 8 de l'édition Pocket) ne s'avère indispensable. Cette dilution pourra sans doute dérouter le lecteur tenté d'approcher le personnage. Aussi nous paraît-il nécessaire de renouveler le conseil d'amorcer cette découverte par le recueil Elric le nécromancien, où l'on perçoit toute la puissance tragique du personnage.
Notes :
Qui, notons-le, signent les deux meilleurs textes de ces deux recueils… (N.d.l.R.)