Pour les survivants de Pontault et Port Leucate, le temps est venu de partir, d’abandonner le refuge de leurs remparts faits de bric et de broc. Les assauts répétés des hors-murs, les cancers provoqués par les radiations de centrales nucléaires aux enceintes de confinement de moins en moins imperméables, les sols et rivières souillés par les effluents toxiques, les vagues épidémiques et la raréfaction des ressources pour pallier à tous ces problèmes ont eu raison de l’espoir en germe dans leurs communautés, devenues low-tech par la force des choses. Il est grand temps de larguer les amarres pour quitter le vieux monde et rallier le nouveau où, ils l’espèrent, un second départ demeure possible. Une fois de plus, le clan Costa est à la manœuvre. Fort d’un dirigeable et d’une poignée de navires, fort de l’amitié des rugosos (cf. Les Damnés de l’asphalte) et d’autres alliés de circonstance, ils comptent bien traverser l’Atlantique pour fonder une nouvelle communauté outre-mer.
Troisième volet de ce qu’il convient désormais d’appeler la « Saga Costa », Par la mer et les nuages n’offre guère de surprise. Les habitués retrouveront en effet dans le roman de Laurent Whale tous les ingrédients sur lesquels se fonde leur adhésion. Une pincée d’aventure mitonnée dans le creuset de la défunte collection « Anticipation » du Fleuve noir, le tout pimenté d’une bonne dose de générosité, d’entraide, de solidarité dépourvue d’arrière-pensée pécuniaire et lorgnant davantage du côté de l’anarchisme que du capitalisme, voire de l’autoritarisme. Sans oublier des archétypes à foison, histoire de dérouler un récit brut de décoffrage sous-tendu par l’action permanente. Bref, de quoi se venger de pas mal d’injustices présentes ou de réparer des torts vécus au quotidien, d’un point de vue, bien sûr, strictement fictif.
Avec ce troisième opus, l’auteur ne déroge donc pas aux recettes de ses précédents romans, Les Étoiles s’en balancent et Les Damnés de l’asphalte. Il poursuit l’aventure, décentrant son intrigue hors d’Europe, histoire de voir si l’herbe est plus verte ailleurs, une quinzaine d’années plus tard, passant ainsi le flambeau à la génération suivante. Pour autant, on est bien heureux de retrouver les personnages auxquels on s’est attaché, même s’ils se contentent ici de faire de la figuration. Plus optimiste, plus pugnace que Exodes de Jean-Marc Ligny, Par la mer et les nuages poursuit l’exploration d’un univers post-apocalyptique non dénué de zones d’ombre. Celles héritées du monde d’avant, le nôtre, celui de la mascarade du développement du râble et des extrémismes de tous poils. Une course en avant dont les personnages de Laurent Whale récoltent les méfaits, s’efforçant de survivre, malgré tout.
Hélas, la satisfaction ne dure pas, les cinq cents pages du roman érodant très vite le capital de sympathie initial. La faute, d’abord, à une intrigue linéaire guère prolixe en matière de suspense. Un périple balisé et répétitif, jalonné d’affrontements lassants, quand ils ne sont pas simplement les redites de ceux des épisodes précédents. Le récit pâtit également d’une progression dramatique, « dramatiquement » atone. On tourne ainsi les pages mollement, sans enthousiasme, comptant les morts, surtout ceux des adversaires, l’œil fixé sur un horizon d’attente au final un peu creux.
À bien des égards, Par la mer et les nuages semble être l’épisode de trop, n’apportant plus qu’un plaisir de lecture amoindri puisque l’on connaît désormais toutes les ficelles du récit et les facettes des personnages. Et le lecteur de se dire qu’il est peut-être temps de passer à autre chose.