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Les critiques de Bifrost

Parcourir la terre disparue

Parcourir la terre disparue

Erin SWAN, Erin SWAN
GALLMEISTER
496pp - 25,80 €

Bifrost n° 112

Critique parue en octobre 2023 dans Bifrost n° 112

Tout fout le camp ! Et à un sacré rythme. À tel point qu’on a bien du mal à suivre. Ça chauffe, les eaux montent. La SF en parle depuis longtemps. La littérature « blanche » s’y met depuis peu – face à l’évidence. Erin Swan s’approprie ce thème dans un roman dont les Américains ont le secret. Une saga familiale sur plusieurs générations, comme dans La Famille Mandible 2029-2047 de Lionel Shriver. Et avec elle, un panorama de l’évolution de notre planète. Jusque sur Mars. De Samson, jeune chasseur de bisons dans les Grandes plaines du Kansas en 1873, jusqu’à la jeune Moon sur la planète rouge en 2073. Avec quelques étapes capitales pour la bonne compréhension de l’ensemble du ta- bleau. Car Parcourir la Terre disparue est construit comme un puzzle. Les pièces arrivent sur la table, dans le désordre, et s’imbriquent les unes aux autres au fil des pages, sans hâte. Encore un roman où le lecteur doit se montrer patient et faire confiance. Car tout vient à point à qui sait attendre.

Mais le constat n’est pas optimiste. Loin de là. Les eaux montent. À tel point que, dès 2027, la plupart des pays sont inondés tout ou partie – pour les plus chanceux. Les réactions à cette catastrophe annoncée depuis longtemps (« Qui aurait pu prévoir ? » disait-il) sont variées. Et l’autrice ne s’y attarde pas. Ce qui l’intéresse, ce sont les membres de cette famille, marquée par un destin, une malédiction. C’est selon. Tout commence par la violence, le sang. Sang des bisons dépecés. Sang d’une femme violée et de sa fille retenue prisonnière jusqu’à un incendie libérateur. Sang versé une fois le chaos diffusé sur la planète, avec ses sociétés en reconstruction. Bien trop souvent les unes contre les autres plutôt qu’avec.

Erin Swan prête vie à Samson, qui cherche à s’installer dans une ferme, en 1873. Puis à Bea, cent ans plus tard, qui cherche à trouver une place malgré sa raison perdue suite à une enfance maltraitée. Et son fils, Paul, architecte contrarié qui va voir dans la révolte de la Terre une occasion de donner vie à son rêve de ville flottante. Suivi de Penelope, sa fille, poétesse réfugiée dans les mots quand l’angoisse du lendemain a pris le dessus. Et enfin Moon, sur Mars. La première habitante réellement adaptée à cette planète inhospitalière pour le genre humain. L’avenir de la femme et de l’homme ? Erin Swan ne répond pas vraiment à cette question. Qui n’est qu’accessoire. Elle veut avant tout raconter l’existence de personnes maltraitées par une vie injuste, violente, destructrice. Poursuivies dans leurs rêves par une ombre, une force négative dont elles ne comprennent rien mais qu’elles subissent. Elle narre, non sans talent, les incertitudes de chacun, leurs doutes, leurs aspirations. Leur vision possible d’un chemin à suivre, cette étoile rouge qui parcourt le roman. Et montre la voie.

Parcourir la Terre perdue est une œuvre difficilement classable tant elle emprunte à plusieurs genres : post-apo, fantastique, hard-SF. Mais terriblement attachante grâce à ses personnages immédiate- ment présents. Une lecture aux limites de notre genre préféré, poétique et sensible, qui mérite le détour.

Raphaël GAUDIN

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