En 1989, Tim Powers publiait Le Poids de son regard, l’un de ses tout meilleurs romans. Au-delà du récit d’aventures frénétique qu’il constitue, l’auteur y revisitait avec autant d’érudition que d’élégance le destin tragique de quelques-unes des plus grandes figures littéraires britanniques du début du XIXe siècle, Shelley, Keats, Byron ou Polidori, tout en renouvelant de manière radicale et novatrice la figure du vampire. Un livre viscéral, hanté par la folie et la mort, à l’instar du destin de son héros, Michael Crawford, contraint de fuir à travers l’Europe les démons, réels ou métaphoriques, qui le poursuivent.
Presque un quart de siècle plus tard, Powers a donc décidé de donner une suite à ce récit, qui n’en appelait pourtant pas à priori. L’action se déroule près de quarante ans après les évènements principaux du précédent roman, et met en scène le fils de Michael Crawford, John. Un homme dont la vie a également été marquée par un évènement tragique, puisqu’il a perdu femme et enfants lors d’un accident sur la Tamise. Son existence va prendre un cours inattendu lorsqu’il reçoit la visite d’Adelaïde McKee, une ancienne prostituée dont il a déjà croisé le chemin quelques années plus tôt, le temps d’une étreinte aussi brève que fructueuse, la jeune femme ayant donné naissance à une fille. A présent, Adelaïde vient lui demander son aide pour retrouver cette enfant, tombée entre les griffes d’une vieille connaissance de la famille : John Polidori, ressuscité par la maladresse de l’une de ses nièces, la poétesse Christina Rossetti.
Sur le fond comme sur la forme, Parmi les tombes compte bon nombre de points communs avec Le Poids de son regard, mais la comparaison ne lui est jamais favorable. Les personnages réels que met en scène Tim Powers (essentiellement la famille Rossetti, mais également Algernon Swinburne, récemment à l’honneur dans le roman de Mark Hodder L’Etrange affaire de Spring Heeled Jack, et qui nous est dépeint ici sous un jour nettement moins favorable) font pâle figure face aux héros du roman précédent. De même, si les sujets abordés sont identiques (la famille, les affres de la création artistique), ils ne sont traités que de manière superficielle. Même les vampires n’apparaissent qu’épisodiquement, et ne semblent avoir d’autre objet que de faire progresser mécaniquement l’intrigue. Et puis, surtout, là où Le Poids de son regard réussissait à être foncièrement novateur, Parmi les tombes se contente de rejouer une partition qu’on a entendue et lue maintes fois ces vingt dernières années.
Alors certes, Tim Powers a du métier, et Parmi les tombes est suffisamment rythmé et mouvementé pour qu’on ne s’ennuie jamais à sa lecture. On pourra même le qualifier de bon roman d’aventures. C’est dire s’il déçoit…