Michel Houellebecq donne, dans un article publié dans la NRF en avril 2002, une définition de ce que peut faire la science-fiction lorsqu'elle est judicieusement exploitée : réaliser une authentique mise en perspective de l'humanité, de ses coutumes, de ses connaissances, de ses valeurs, de son existence même ; étant ainsi, au sens le plus authentique du terme, une littérature philosophique. Les romans de Dantec collent parfaitement à cette définition. En lisant Les Racines du mal, Babylon babies ou la superbe novella « Là où tombent les anges », on se doute que leur auteur n'hésite guère à plonger ses mains dans le chaos métaphysique. Quitte à ce qu'elles en ressortent avec quelques stigmates. Ce recueil est là pour nous le confirmer, que ce soit au travers des textes critiques ou de l'interview minutieuse, quasi chirurgicale, conduite par Richard Comballot. La chair de la fiction et les nerfs de la critique s'y greffent pour engendrer en une mystérieuse alchimie, en une miraculeuse transsubstantiation, en une infinie recombinaison du grand séquenceur verbomoteur, le portrait pixellisé de l'auteur.
À côté des textes précités, la thématique beaucoup moins tendue, voire saupoudrée d'humour qui habite ses premières nouvelles : « Dieu porte-t-il des lunettes noires ? » ou « THX Baby », n'est pas sans rappeler certains récits d'Andrew Weiner, comme « Fugue » ou « Devenir indigène ». De petites perles où le cocasse alterne avec l'angoisse.
La lecture des textes critiques dans l'ordre chronologique nous révèle qu'au fil des années, Maurice Dantec s'imprègne, s'imbibe, se nourrit de sa propre fiction et que la distance qui le sépare de ses écrits s'amenuise de plus en plus pour, peut-être un jour, disparaître et donner naissance à une sorte d'entité hybride, une copulation virale, une usine à produire le réel, le grand Broyeur de la Nouvelle Synthèse Sub-Réaliste qui établira définitivement les premiers principes de thermodynamique transfictionnelle chers à l'auteur. Maurice G. Dantec, tout comme Philip K. Dick il y a quelques années, devient, par le biais d'une hallucinante transmigration verbomotrice, Le Livre duquel il arrache les pages de ses fictions.
À ce titre, ce recueil, en alternant articles, entretiens, conférences, nouvelles et discours, brosse un portrait-miroir passionnant de l'auteur et de son œuvre et démontre une fois de plus que le tout est bien supérieur à la somme des parties.
Alors si vous ne voulez pas rater le train pour Villa Vortex, foncez tout de suite sur les périfs1 !
Notes :
1. Autres périphériques conseillés : Les larmes de Nietzsche — Richard Pinhas (préface de Maurice Dantec) — Flammarion — 2001 ; Schizotrope III (Richard Pinhas & Maurice Dantec) le/pli — CD 73' — Emma production — 2001