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Les critiques de Bifrost

Phaos

Alain BERGERON
ALIRE
566pp - 14,00 €

Critique parue en juillet 2004 dans Bifrost n° 35

Engagé pour voler les données du système d'intelligence artificiel Phaos puis stocker cette masse d'informations dans son cervelet grâce à une seringue mémorielle, Jason Kolodine ne tarde pas à s'apercevoir qu'il a été précédé et que Phaos a été saboté. Terrifié, l'ingénieur traître fuit le Moon Institute of Technology et se rend sur Terre, en America Vieja (vieille Amérique) où un sort terrible l'attend sans doute. Quelques heures plus tard, Simon Odako, le Dieu Lion, père financier du projet Phaos, débarque sur la Lune pour éclaircir toute cette affaire. Phaos est un projet vital pour la Lune, mais aussi pour le poste de PDG de Thor Corp qu'occupe Odako, fragilisé par l'incident. Dans ce cyberdrame tissé de luttes intestines et de traîtrises en points de croix soulignées par une broderie de meurtres, entrent en scène : des terroristes menés par un certain Carlo Sottovoce ; Bryden Petrelli, le chef de la sécurité de Thor Corp qui, plongé dans la nasse vingt-quatre heures sur vingt-quatre, entend tout, sait tout et voudrait tout ; le dernier des fouilleurs de lumière, Nicklos Pascalis, qui, tel Sherlock Holmes, est devenu apiculteur après s'être rangé des voitures et peut sans doute, s'il se torture un brin, accepter de reprendre son ancien métier (à l'image de l'impitoyable Clint Eastwood, qui n'a jamais été vraiment taillé pour élever des cochons). Sans oublier une belle mercenaire, Evy Laing (sans doute le personnage représenté sur la couverture, cette dernière étant, comme souvent chez Alire, d'une redoutable laideur).

Premier constat : Phaos est un vrai livre de science-fiction. Il y est beaucoup question de science et de technologie ; l'auteur a travaillé son langage, inventé des mots, des objets, une nouvelle classe sociale, les robotomisés ; et surtout il a su créer un monde qui, à défaut d'être original, est cohérent — on navigue plus ou moins chez Walter Jon Williams, dans l'univers de Câblé/Le Souffle du cyclone, mais aussi chez Paul J. McAuley, dans ses romans Féerie et White Devils, son nouvel opus situé dans une Afrique future dominée et massacrée par les grands groupes pharmaceutiques. Second constat : Phaos n'est pas un livre facile à lire. C'est un gros roman mené en chapitres très courts, traité comme un techno-thriller, fourmillant de personnages, d'intrigues, d'enjeux pas toujours limpides, de trahisons diverses et variées (en fait, c'est un cyber-Guerre et paix sans vodka ni bal mondain).

Malgré quelques défauts (ça cafouille parfois entre le passé simple et l'imparfait ; il y a trop de personnages quoi qu'en pense l'auteur, certains sont trop caricaturaux pour être crédibles), Phaos s'impose comme un des meilleurs livres de science-fiction francophone de ces dernières années avec La Saison de la sorcière de Roland C. Wagner. Une publication datant de près d'un an qui nous rappelle que ça bouge au Québec, parfois bien plus qu'en France. Décidément, la science-fiction est bel et bien une littérature américaine.

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