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Les critiques de Bifrost

Plasmas

Céline MINARD
RIVAGES
160pp - 17,00 €

Critique parue en octobre 2021 dans Bifrost n° 104

Oubliez la quatrième de couverture boursouflée qui parle de « fascinante cosmo-vision » et de l’invention d’un « genre littéraire, forme éclatée et renouvelée du livre-monde » : Plasmas est un recueil de nouvelles situées dans un futur qu’on devine plus ou moins identique, qui se répondent les unes aux autres, aussi bien sur la thématique que sur certains procédés narratifs (plusieurs nouvelles sont ainsi à chute, celle-ci étant à prendre au sens premier du terme). Céline Minard n’en est pas à son premier essai en littérature de genre, on se souviendra de son roman Le Dernier Monde ou encore de Bastard Battle (critiqués dans les Bifrost 46 et 52), mais elle le fait ici sous la forme courte, privilégiant des textes comme autant de bouts d’existence, plutôt que des récits structurés avec un début, un développement et une fin. Minard nous décrit ces êtres au plus proche, de façon à amplifier l’effet immersif, ce qui nous permet de mieux mesurer les enjeux de cet avenir pas toujours réjouissant, entre disparition des insectes, dérive du génie génétique, abandon de la Terre pour terraformer Mars ou la Lune, voire lancer des vaisseaux-nefs… On nage donc bien en pleine science-fiction, qui s’assume, même si le terme n’apparaît nulle part dans l’ouvrage ; on citera pour preuves l’exergue d’Ursula Le Guin, un texte inspiré de 2001, Odyssée de l’espace, et un autre qui reprend certains éléments de La Chose d’un autre monde. Mais l’important est ailleurs : dans la langue de Minard, d’abord, car ces textes sont très écrits, très littéraires, on sent chaque mot pesé et soupesé, il n’y a pas de gras dans la prose de l’autrice, qui se révèle tout aussi claire et précise dans son approche de la science. Autre trait saillant, sa perception de ce qui définit l’être humain : son attachement à des choses simples – la montée d’adrénaline d’un trapéziste qui œuvre sous les regards de centaines d’êtres génétiquement modifiés pour accéder à la plus parfaite fluidité des mouvements, ou la possibilité de vivre en parfaite symbiose avec son environnement. Et même si l’autrice convoque parfois des créatures issues de laboratoires, tels des drachons ou ce plasmode qui s’empare de chevaux, l’humanité reste en permanence au cœur de son propos. Une humanité en impesanteur, toujours à la frontière entre les différentes forces qui s’exercent sur elle, qui s’interroge sur son devenir et essaye de se réinventer pour apporter la justification de son existence. Original, inventif, fort, parfois hermétique, stylistiquement impeccable, Plasmas est un recueil qu’on n’attendait pas nécessairement, mais qui sonne comme une révélation dans le paysage de la nouvelle francophone de science-fiction.

Bruno PARA

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