Connexion

Les critiques de Bifrost

Plus noir que noir

Stephen KING
ALBIN MICHEL
624pp - 24,90 €

Critique parue en juillet 2025 dans Bifrost n° 119

Le King millésime 25, du moins pour sa traduction française, est un conséquent (plus de 600 pages) recueil d’une douzaine de nouvelles. Qui alternent entre textes lapidaires — « La cinquième étape », « Écran rouge » ou « Les Rêveurs » — et novellas, à l’instar du « Mauvais rêve de Danny Coughlin » ou de « Serpents à sonnette », dépassant chacune la centaine de pages. Rappelant que l’auteur du Fléau et de Ça (entre autres pavés romanesques) est aussi un actif praticien de la nouvelle, à qui on doit une douzaine de recueils. Enfin, Plus noir que noir atteste encore (et surtout) de la fructueuse verdeur d’un écrivain pourtant pré-octogénaire. Et ce à plus d’un titre…

Le pape de l’Imaginaire y fait d’abord douze fois montre d’une « emportante » vivacité narrative. Chacun des récits est par ailleurs empreint — autre marque de la fabrique kinguienne quand elle fonctionne au mieux — d’une humaniste caractérisation de ses protagonistes. Qu’ils soient croqués en quelques traits aussi prestes qu’évocateurs ou qu’ils fassent l’objet d’un portrait tout en empathique profondeur, héros et héroïnes de Plus noir que noir viennent heureusement enrichir la (considérable) galerie de personnages kinguiens…

Comme leurs prédécesseurs, les figures de Plus noir que noir embrassent un large spectre social. Celui-ci s’étendant du (plus ou moins) petit peuple d’une Amérique périphérique (« Le Mauvais rêve de Danny Coughlin », « Willie le tordu », « Finn ») à l’upper-class métropolitaine (« Serpents à sonnette », « L’Homme aux réponses »), en passant par la classe moyenne (« Cinquième étape », « Laurie »). À ce panoramique sociologique et topographique des États-Unis s’articule celui, chronologique, envisageant une histoire longue du pays. Remontant jusqu’à la guerre de Sécession (« Willie le tordu ») en passant par la Seconde Guerre mondiale (« L’Homme aux réponses ») et celle du Vietnam (« Les Rêveurs »), les nouvelles de Plus noir que noir se penchent aussi sur les temps contemporains. Ceux d’une ère à la fois numérique (« Écran rouge ») et pandémique (« Deux crapules pleines de talent »).

Enfin, c’est bien évidemment à l’aune de l’Imaginaire que Stephen King s’emploie à dresser cet état de l’Union qu’est ce recueil. Les récits relèvent pour l’essentiel du fantastique, tirant parfois vers la SF (« Écran rouge ») ou le weird horrifique (« Finn »). Et si nombre d’entre eux incorporent des motifs kinguiens récurrents (entre autres exemples, celui de la voyance dans « Le Mauvais rêve de Danny Coughlin »), ils témoignent de l’inépuisable capacité de l’auteur à les réinterpréter. De même, Stephen King fait encore brillamment œuvre de réinvention lorsqu’il s’emploie à composer une suite à deux de ses sommets romanesques (Cujo et Duma Key) avec « Serpents à sonnette ». Sans doute s’agit-il là, avec « Le Mauvais rêve de Danny Coughlin », de l’un des textes les plus happants de Plus noir que noir. Ce dernier constituant l’ultime tome (en date) de la très personnelle et très passionnante Histoire des USA qu’élabore Stephen King depuis maintenant plus d’un demi-siècle…

 

Pierre CHARREL

Ça vient de paraître

Avatar – Exploration scientifique et culturelle de Pandora

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 120
PayPlug