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Les critiques de Bifrost

Police du peuple

Police du peuple

Norman SPINRAD
FAYARD
300pp - 26,00 €

Bifrost n° 78

Critique parue en avril 2015 dans Bifrost n° 78

Meurtrie par une saison des ouragans qui se répète chaque année, la Nouvelle-Orléans est en crise. Une crise économique locale amplifiée par le passage du dollar au super-dollar. Les gens ne peuvent plus payer leur emprunt immobilier et les avis de saisie et d’expulsion se ramassent à la pelle. Réquisitionné pour s’expulser de chez lui, le policier Luke Martin ne goûte gère l’ironie de la chose. Il se rebelle et met le doigt dans un engrenage syndical qui le dépasse : celui d’une grève de la police. Une grève qui appelle à une mutation du travail de policier, changement radical sur lequel veillent de façon bienveillante les dieux vaudous. Mais pourquoi ? Quel est le but réel de ces entités surnaturelles ?

Quatrième roman de Norman Spinrad paru chez Fayard, Police du peuple tourne autour de trois personnages principaux : Luke Martin, évidemment, le maquereau J.B. Lafitte et la chanteuse de rue Marylou (qui a fait un pacte, plus ou moins malgré elle, avec la divinité vaudoue Mama Legba). Mais ces personnages ne s’incarnent jamais de façon convaincante, tant Spinrad les coince entre son discours politique, intéressant mais répétitif, et un portrait de la Nouvelle-Orléans qui oscille entre le passionnant, le cliché et l’ennuyeux. Police du peuple est un roman à thèse : le véritable ennemi c’est la finance déréglementée, pas le terrorisme. On y explore la différence entre ce qu’est une force de police et ce qu’elle devrait être. Voilà surtout une œuvre anachronique dont l’idéal tend vers la beuverie permanente, la partouze totale et le jazz à tous les étages (imaginez une collision de la série télé Treme et de l’événement Woodstock). Rien de bien nouveau : contrairement à George R.R. Martin, Spinrad n’arrive pas à se remettre de la fin des sixties. Ici, la thèse prend le pas sur les personnages et, bien souvent, sur le décor dans lequel ils évoluent. Ce roman sans intrigue véritable, au plan confus, surtout au début, est bavard comme un coiffeur italien. Il ne s’y passe pas grand-chose, ses idées les plus fortes sont diluées dans un certain ressassement qui sent le Bayou, ambiance marécage politique et sables mouvants médiatiques.

Au final, on pourra sans mal se passer de la lecture de ce mélange de SF politique et de fantastique mollasson, d’autant plus que la traduction française de l’ensemble se révèle au mieux maladroite.

Thomas DAY

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