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Les critiques de Bifrost

Prime Time

Jay MARTEL
SUPER 8
480pp - 19,00 €

Critique parue en juillet 2015 dans Bifrost n° 79

You can run on for a long time, run on for a long time
Run on for a long time, sooner or later God’ll cut you down
Sooner or later God’ll cut you down
(auteur inconnu – notamment repris par Johnny Cash)

Le thème de Dieu se lassant de la planète Terre ne date pas d’hier : de l’Apocalypse de Jeanle Presbytre (86-96) au Rapport Gabriel de Jean d’Ormesson (1999), les exercices de style n’ont pas manqué au fil des âges. Mais voilà : tous les littérateurs qui se sont penchés sur le sujet ont eu tort, quelle que soit leur thèse. La sinistre vérité est que la Terre, cette planète remplie de guignols frappadingues, agressifs et globalement suicidaires, sert de cadre à un show continu de téléréalité qui a jusqu’à maintenant remporté un immense succès dans toute la galaxie. Jusqu’à maintenant, donc. L’audience dégringole tellement vite que Desmond Icarus EUpsilon, le grand patron de la firme Galaxy Entertainment, propriétaire de la chaine, annonce par note de service « que l’heure est venue de supprimer la Terre ». Il s’agit donc d’organiser un final prestigieux et mémorable pour clore ce show qui a fait son temps. Cette décision ne fait pas l’unanimité au sein de la firme : la productrice Amanda Mundo ne peut se résoudre à laisser partir la planète bleue en fumée et va tenter d’obtenir l’aide d’un terricule (comprenez « Terrien ») dont elle suit avidement les cours d’écriture : Perry Bunt, un scénariste raté et obsédé sexuel. Autant dire que la partie est loin d’être gagnée.

So remember, when you’re feeling very small and insecure
How amazingly unlikely is your birth
And pray that there’s intelligent life some-where up in space

Cause there’s bugger all down here on Earth
(Du Prez/Idle)

Scénariste sur plusieurs séries américaines peu connues en France et collaborateur régulier de Michael Moore, Jay Martel signe un très drôle premier roman dont les influences vont de Fredric Brown à Robert Sheckley en passant par Rudy Rucker. Sa puissance satyrique n’épargne personne et les surprenantes finesses disséminées au gré des pages évitent au texte de sombrer dans un style trop potache qui aurait tout gâché. Merci donc aux éditions Super 8 pour ce Prime Time très divertissant : qu’elles ne se privent pas de nous sortir d’autres volumes du même acabit.

Grégory DRAKE

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