Andy WEIR
BRAGELONNE
480pp - 22,00 €
Critique parue en janvier 2022 dans Bifrost n° 105
Après un Artémis en demi-teinte, Andy Weir revient avec un troisième roman, Projet dernière chance, difficile à résumer tant même en dire peu, c’est déjà en dire trop… Un homme se réveille d’un coma artificiel, mesure son amnésie, comprend que son corps a été entretenu par un dispositif robotisé et que dans la même salle que lui se trouvent deux autres personnes, mortes depuis si longtemps qu’elles sont momifiées. La mémoire lui revient peu à peu, dans l’ordre chronologique (la narration va alterner entre des chapitres dans le présent et d’autres situés dans un passé de plus en plus proche à mesure que l’intrigue avance), et il découvre qu’il est en fait dans un astronef, très loin de la Terre, dont il se rappelle qu’elle est en danger de mort et qu’il est donc chargé de la sauver. Le tout en réglant les nombreux problèmes scientifiques et techniques qui ne vont pas manquer de se présenter. Le lecteur peut, à ce point du livre, légitimement se dire qu’après Seul sur Mars, l’auteur tente de nous rejouer la même partition, mais dans l’espace cette fois. Sauf que ledit lecteur se trompe : car si ses deux camarades sont morts, notre héros n’est pour autant pas seul dans son coin perdu de l’univers…
Jetons un voile pudique sur la suite de ses aventures, sinon pour dire que s’il n’en reprend pas vraiment le scénario, Weir fait preuve du même talent que dans son plus grand succès : la façon dont le héros et son compagnon d’infortune se sortent des situations les plus inextricables est souvent passionnante, le style est d’une fluidité remarquable, le propos est chaleureux et humoristique, la fin réussie. Et surtout, l’auteur a nettement élargi le cadre et le degré de sense of wonder de ce nouveau roman par rapport à ses prédécesseurs, livrant un roman hard SF de haute volée que ne renierait pas un Stephen Baxter (le point central de Projet dernière chance rappelant vaguement un élément important du « Cycle des Xeelees ») tout en étant parfaitement accessible à toute lectrice ou lecteur doté(e) d’un minimum de bonne volonté. Un talent de vulgarisateur qu’on connaissait déjà à Weir, mais qui est ici éclatant.
Le troisième roman d’un auteur est probablement aussi important, dans une carrière, que le troisième album d’un groupe musical (une comparaison pertinente dans un livre bourré de références à la Pop Culture). Avec Projet dernière chance, Andy Weir prouve que Seul sur Mars n’était pas un feu de paille. Pointu mais accessible, technique mais profondément humain, haletant et plein de surprises, Projet dernière chance s’impose incontestablement comme un des grands livres de SF de 2021. Vivement recommandé !