Clifford Donald SIMAK
J'AI LU
384pp - 6,70 €
Critique parue en juin 2001 dans Bifrost n° 22
Dans ce roman de 1981, le Grand Master Simak (il a en effet été couronné au firmament de la profession par la Science-Fiction Writer's Association quatre ans auparavant) propose à son lecteur un mélange assez inattendu de spiritualité et de science-fiction plutôt classique.
Le docteur Jason Tennyson, contraint de fuir la planète Gutshot où sa vie est menacée, s'embarque clandestinement sur un vaisseau transportant des pèlerins extraterrestres vers la planète Seuil de Rien. Tennyson va découvrir que cette mystérieuse planète est devenue des siècles auparavant le refuge de colons robots ayant fui la Terre, sur laquelle le droit de pratiquer une religion ne leur était pas reconnu. Les habitants robots de Vatican XVII, la capitale de Seuil de Rien, ont ainsi entrepris depuis plus de mille ans, dans le plus grand secret, de construire une entité électronique infaillible qui leur tiendra lieu de pape. Pour alimenter la mémoire de leur super-pontife, les robots font appel à des télépathes humains, les Écoutants, qui sondent l'espace-temps par la pensée pour en ramener des données sur l'univers inconnu ou invisible. Or, l'une des Écoutantes prétend avoir trouvé le Paradis lors de son dernier voyage… quelles conséquences cela aura-t-il sur une théologie balbutiante et des fidèles plus que jamais prêts à sombrer dans le fanatisme ?
Ce roman laissera peut-être une impression assez mitigée au lecteur : on déplorera quelques lourdeurs de forme ; la narration, résolument linéaire, semble parfois se perdre dans des détails qui n'amènent rien au récit (l'histoire d'amour entre les deux protagonistes humains, très convenue, en est la parfaite illustration). De fait, le roman peut parfois sembler étonnamment long à démarrer. Pourtant, passée cette première impression, le lecteur se surprendra certainement à poursuivre sa lecture avec curiosité. Simak procède comme bien souvent en naturaliste pour dépeindre les mondes traversés par ses personnages, à l'exemple des univers explorés par les Écoutants, qui ne manquent sous sa plume ni d'originalité, ni de poésie. Le récit propose en outre une réflexion intéressante sur la viabilité du Projet Pape dans le contexte de Seuil de Rien : comment évolueront les desseins d'un Pape électronique à long terme ? les robots peuvent-ils faire preuve de mysticisme ? ont-ils une âme ou s'identifient-ils encore trop à leurs modèles humains ?
Si ce Projet Vatican XVII n'est assurément pas à classer parmi les chefs-d'œuvre de son auteur, il possède néanmoins une valeur certaine et surtout un charme subtil ; c'est pourquoi il est infiniment regrettable qu'il offre un premier abord aussi rebutant. De fait, on ne conseillera pas ce récit au lecteur novice dans l'œuvre de Simak : il faut assurément posséder quelques connaissances des textes de l'auteur et de ses thématiques de prédilection pour percer les lenteurs de Projet Vatican XVII et en extraire les indéniables pépites qu'il contient.