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Les critiques de Bifrost

Pyramides

Romain BENASSAYA
CRITIC
25,00 €

Critique parue en avril 2018 dans Bifrost n° 90

Décidément, pour Romain Benassaya, sur la Terre, point de salut. Dans Arca, son premier roman, il fallait l’abandonner au profit de Mars. Dans Pyramides, les hommes partent vers Sinisyys (« bleu », en finnois) à bord d’arches. Au total, vingt gigantesques vaisseaux iront coloniser ce nouveau monde, cette deuxième planète bleue. Eric Rives est second du Stern III. C’est pourquoi il est un des premiers réveillés de l’animation suspendue. Un des premiers aussi à découvrir, en place d’une lande couverte de fleurs bleues, une obscurité immaculée, un ciel sans étoile et un sol blanc poudreux uniforme. Rapidement, il faut se rendre à l’évidence : ils ne sont pas arrivés à destination. Plus dramatique : ils sont piégés dans une structure inconnue aux proportions gigantesques. Et depuis un bail. Car, censé durer deux cents ans, leur séjour en biostase se serait prolongé sur près de trente mille ! Comment les mille six cents passagers du Stern III vont-ils parvenir à gérer cette situation exceptionnelle ?

Dans ce roman, sans lien avec le précédent, Romain Benassaya s’attaque au thème très populaire de l’artefact extraterrestre. Si L’Anneau-Monde de Larry Niven ou Rendez-vous avec Rama d’Arthur C. Clarke, les plus emblématiques d’une production riche, voire la plus récente trilogie «  Quantika » de Laurence Suhner, viennent à l’esprit, cela ne dure pas. Le mystère du lieu plane effectivement sur Pyramides : dans la petite communauté humaine tout tourne autour de lui. Mais pour Romain Benassaya, là n’est pas l’essentiel. L’auteur s’interroge plutôt sur les liens unissant les membres d’un petit groupe d’humains. Sur leur capacité à survivre devant l’inconnu. Sauront-ils mettre de côté leurs différents et coopérer pour le bien de cette société miniature ? Comment s’adapter à une telle situation ? Comment s’organiser ? Quel but suivre ? Rapidement, deux camps naissent et s’opposent : bâtisseurs contre explorateurs ; les premiers visent la survie, la création d’une base stable ; les seconds veulent avant tout comprendre où ils sont afin de s’en échapper.

La construction de l’intrigue est solide, les rebondissements nombreux et les pages se tournent sans effort. Mais les personnages n’échappent pas plus au cliché qu’à la caricature. Quand bien même ils ne restent pas bêtement monolithiques, agrippés à leurs positions, et peuvent évoluer à travers le récit, ils n’en dégagent pas moins une impression d’ébauches mal dégrossies. Le lecteur sait souvent, avant le protagoniste, ce qu’il va faire ou dire. Et les quelques phrases annonçant une surprise à venir, censées ménager le suspens en fin de chapitre, en réduisent au contraire les effets. Même si c’est dans une moindre mesure, les maladresses déjà rencontrées dans Arca sont bel et bien présentes dans Pyramides. Regrettable, en somme, tant on a envie de laisser sa chance à l’auteur. Mais jusqu’à quand ? Ce que l’on pardonne à un débutant, on finit par le reprocher à un écrivain plus expérimenté…

Raphaël GAUDIN

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