Dix raisons irréfutables de réserver la meilleure place à Quand les ténèbres viendront, l’intégrale dans votre bibliothèque :
1. Ce volume respecte enfin l’intégrité du mythique recueil Nightfall and other stories, autrefois scindé en trois volumes dans la collection « Présence du futur » (Quand les ténèbres viendront, L’Amour vous connaissez ? et Jusqu’à la quatrième génération). Un soin particulier a été apporté à la conservation de la (fort correcte) traduction originelle et à la couverture admirablement illustrée par Manchu.
2. Le recueil offre au lecteur un large panorama du travail d’Asimov, s’étendant de 1941 à 1967. Il permet donc de mesurer l’évolution de son style, passant de très mauvais à passable, l’intéressé avouant lui-même, p. 9 : « En ce qui concerne l’Art d’écrire, je suis un barbare absolu. » Sacré lui !
3. Ces vingt nouvelles sont présentées par le truculent Isaac Asimov lui-même, autant d’anecdotes croustillantes et délicieusement vantardes qui ne manqueront pas de séduire le gaulois en chacun de nous. On constatera aussi à quel point la frontière est mince entre la mise en valeur d’une nouvelle et l’auto-torpillage en règle de celle-ci.
4. La variété des textes permet de mieux cerner le génie particulier de l’auteur : peu doué pour les portraits et les dialogues (« Vide-C », « Les Mouches »), Asimov devient vertigineux lors des grandes fresques où le détail importe moins que la vue d’ensemble (« En une juste cause… »).
5. Asimov, pour un mâle du milieu du xxe siècle, considère les femmes avec une certaine modernité : il dénonce avec humour d’absurdes conventions sociales féminines (« Quelle belle journée ! »), utilise une biologiste prestigieuse pour personnage (« Hôtesse ») et mouche par deux fois le chantre de la bimbo décérébrée, Hugh Hefner, patron de l’institution Playboy (« L’Amour, vous connaissez ? », « Les Yeux ne servent pas qu’à voir »).
6. « Quelle belle journée ! » met de bonne humeur et donne envie de lâcher son écran pour aller faire un petit tour dans le bon air ensoleillé. Précieux.
7. Asimov était un visionnaire. La plupart de ces nouvelles le prouvent.
8. Tout en restant sérieux, Asimov fait rire. Ce qui est trop rare en SF (« La Machine qui gagna la guerre », « Personne ici, sauf… » entre autres).
9. Gilles Dumay, éditeur du présent ouvrage, n’a pu que souffrir en travaillant à cette réédition. Ne déclarait-il pas au site Actusf : « Asimov c’est la Barbara Cartland de la science-fiction, en moins littéraire » ? Ne laissons pas cet effort éditorial demeurer vain.
10. Nous avons tous dans notre entourage quelque adolescent qu’on aimerait initier à la SF. Par sa simplicité et son charme suranné, Quand les ténèbres viendront conviendra parfaitement à cette tâche et pourrait même réveiller le gamin qui sommeille en vous.