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Les critiques de Bifrost

Rainbow Warriors

AYERDHAL
AU DIABLE VAUVERT
528pp - 20,00 €

Critique parue en avril 2025 dans Bifrost n° 118

Et s’il existait quelque part dans l’Afrique contemporaine un pays répondant au nom de République Démocratique du Mambési… Et si ledit pays, sous la népotique et despotique autorité du président N’Mguiba, était (entre autres atteintes aux droits humains) le théâtre d’une violente homophobie d’État. Celle-ci vouant gays et lesbiennes à « l’ablation des parties génitales par le fer [ou] par le feu », voire à la peine de mort… Et si une association secrète de grands et grandes de ce monde (parmi eux, un ex-secrétaire général de l’ONU, une star hexagonale de la haute couture ou un couple hollywoodien pareillement fameux) décidait de mettre un terme aux exactions de N’Mguiba… Et si, pour ce faire, ces conjurés progressistes réunissaient une armée inédite dans l’Histoire, celle privée et formée par 10 000 volontaires issus les unes et les autres de la communauté LGBT. Et si celle-ci était confiée au général (en retraite) de l’US Army Geoff Tyler, tacticien aussi brillant que rebelle…

Telles sont les prémisses, mi-uchroniques mi-spéculatives, de Rainbow Warriors, troisième incursion d’Ayerdhal dans le thriller. Tout en participant comme eux d’un même et critique imaginaire complotiste, Rainbow Warriors en fait un usage narratif et politique autrement plus convaincant. La réussite du roman tient d’abord à son habile capacité à agréger audit imaginaire d’autres motifs de la pop-culture contemporaine, notamment ceux de la fiction guerrière. Ainsi, dans le premier des trois actes que compte Rainbow Warriors, Ayerdhal semble se livrer à une relecture aussi queer que réjouissante de l’eastwoodien Maître de guerre et autres récits d’initiation au métier des armes. L’épisode permet encore à l’auteur de redessiner des figures guerrières aux couleurs de l’arc-en-ciel. On citera celles de Pilar, implacable guérillera lesbienne (et cousine latino de la Naïs de Transparences), de Jean-No tirant de la culture gay de géniales innovations militaires, ou bien encore d’Andrea, femme trans et mercenaire redoutée. Une fois formée cette armée d’un modèle nouveau s’il en est, Rainbow Warriors s’engage dans le registre du film de commando. Usant au mieux de son arsenal littéraire combinant efficacité narrative et ironie, Ayerdhal réinterprète d’une manière toute personnelle Les Douze Salopards et autre Inglorious Basterds. Puis, une fois le Mambési passé aux mains des Rainbow Warriors, le roman connaît un ultime épisode évoquant l’univers du film de complot. On est heureusement loin du conspirationnisme simpliste du JFK d’Oliver Stone dont se réclamait Transparences, Rainbow Warriors marchant plutôt sur les traces d’un complexe récit d’espionnage à la façon de La Taupe, dont la surprenante et matriarcale conclusion parfait la réussite !

 

 

Pierre CHARREL

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