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Les critiques de Bifrost

Ravive

Ravive

Romain VERGER
EDITIONS DE L'OGRE
18,00 €

Bifrost n° 86

Critique parue en avril 2017 dans Bifrost n° 86

« La guerre avait modifié les comportements au point que la sincérité constituait une idée neuve en Europe. Une idée d’avenir pour les temps de paix. »

Ravive réunit neuf nouvelles de Romain Verger. Il s’agit du premier recueil de récits courts de cet enseignant de Lettres à qui l’on doit, par ailleurs, des romans ou bien encore un livre de poésie, tous parus depuis le début des années 2000. La neuvaine d’épouvante – pour paraphraser un titre de Jean Ray – qu’est Ravive explore des registres divers. On y retrouve des contes horrifiques (« Le Château »), voire gore (« Les Hommes-Soleil »), des histoires science-fictionnelles – le frankensteinien « Reborn », les dystopiques « Le Dernier homme » et « Anton » – ainsi que des nouvelles au fantastique tantôt onirique (« Donvor », « Ploumanac’h »), tantôt cauchemardesque (« L’Année sabbatique » et « Orcadi »). Au-delà de leur immédiate bigarrure, les neuf textes de Ravive sont étroitement liés les uns aux autres par des motifs spatiaux et thématiques récurrents. Le rivage semble former le lieu central de la géographie imaginaire de Romain Verger. S’il affiche une prédilection pour le littoral breton – théâtre de cinq de ses nouvelles –, l’écrivain emmène aussi ses lecteurs et lectrices sur les côtes de l’Atlantique nord et de l’Adriatique, ou bien encore au bord d’une rivière italienne ou d’un canal parisien. En ces rivages – des interfaces plutôt que des lignes de démarcation – où l’élément terrestre se redessine sous l’action des forces aquatiques, Ravive inscrit des protagonistes faisant l’expérience de la métamorphose. Éprouvant avec effroi ou fascination des sensations et des sentiments inédits – ou peut-être profondément refoulés, ainsi que le suggèrerait le titre du recueil –, les personnages de Romain Verger se découvrent autres qu’ils ne le croyaient. Pour évoquer ces processus de transformation au cœur des neuf nouvelles de Ravive, l’écrivain use d’une écriture extrêmement travaillée. Souvent longue, sa phrase explore des champs lexicaux rares et complexes. Sans doute Romain Verger cherche-t-il de la sorte à restituer au plus près les étranges mutations affectant ses héros, tout en conférant à ses évocations une dimension poétique. Littérairement (très) ambitieuse, l’entreprise plus stylistique que narrative qu’est Ravive ne convainc cependant que partiellement. Au plus fort de sa maîtrise, l’écriture de Romain Verger combine adjectifs et substantifs inusités en d’hypnotiques périodes, desquelles sourd une trouble fascination. Il en va notamment ainsi de « Reborn », des « Hommes-Soleil » et de « Anton ». Mais lorsque la plume de l’auteur peine à atteindre son objectif, la richesse du vocabulaire tourne à la préciosité, à la pure virtuosité. Et les phrases s’étalant sur plus de dix lignes semblent dès lors interminables. Comme dans les cas du « Dernier homme » ou de « L’Année sabbatique » dont les lectures distillent plus souvent l’ennui que le malaise. On oubliera cependant pas que Ravive est une première incursion dans le domaine de la nouvelle. Et l’on ne doute pas qu’avec une rigueur accrue, l’écrivain tirera le meilleur de ses dons indéniables pour ses prochaines métamorphoses.

Pierre CHARREL

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