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Les critiques de Bifrost

Reconstitué

Sean WILLIAMS
BRAGELONNE
480pp - 22,00 €

Critique parue en mai 2008 dans Bifrost n° 50

Seize meurtres en seize mois ? Pas si sûr, car le Réplicateur crée des corps grâce au procédé D-mat de KTI, puis les massacre. Ces corps de femmes, ressemblant toutes à Marylin Blaylock sont-ils des gens ? Oui, non, peut-être… la justice doit trancher. Là où l'affaire se complique encore plus, c'est que toutes les traces qui mènent au Réplicateur conduisent en fait à Jonah McEwen, un homme qui sommeille depuis trois ans en vie suspendue, empoisonné au SS (SixSens), une drogue mémorielle qui lui a cramé une partie du cerveau. Et si le Réplicateur était un clone de McEwen ? Et d'ailleurs, qui est vraiment McEwen, dont le passé semble pour le moins chargé ?

The Ressurected Man de l'australien Sean Williams, publié aux USA en 2005, a fait partie des livres de S-F dont on a beaucoup parlé cette année-là. C'est un très gros roman (ne vous fiez pas à la raisonnable pagination Bragelonne), de la même veine que Carbone Modifié de Richard Morgan, une enquête hard-boiled post-cyberpunk remplie jusqu'à la gueule de lieux communs plus ou moins détournés, mais aussi de trouvailles fulgurantes (comme le troisième genre : un ecce, des ecceux). Ce livre, compétent (depuis quelques années, l'auteur pisse du Star Wars à jet continu), crée suffisamment d'horizon d'attente pour que le lecteur surfe sur ses scories d'écriture et ses tunnels de dialogue-remplissage décidément très à la mode en S-F ces dernières années.

Si on met à part ses longueurs, le seul et gros problème de ce roman réside dans sa traduction française, une fois de plus. Cette traduction à géométrie variable, tantôt brouillonne, globalement atone, fiche tout simplement le livre par terre (c'est insupportable à lire, à tel point que j'ai commencé à fouiller dans mes cartons pour tenter de retrouver un exemplaire de la VO). Il n'y a pas une page sans une phrase maladroite, des passages entiers sont d'une lourdeur consternante ; plus loin, on tombe sur une description superbe qui semble « volée » à un autre livre. La plupart des choix (je laisse tel mot en anglais ; je traduis tel acronyme de cette façon ; je choisis telle dénomination en français, etc.) sont catastrophiques, créant non pas des contresens flagrants, mais ajoutant un filtre de flou et de gaucherie sur un texte insuffisamment écrit à la base (du moins, pas toujours bien écrit, bien mené).

J'ignore tout de Pascal Huot, le traducteur, mais sauf si cette traduction est signée d'un pseudonyme, il semblerait que ce soit sa première. Et je ne lui jette pas la pierre outre mesure, car clairement il a travaillé, il a réfléchi à ses choix, ça se voit (et c'est bien le problème ! sa traduction est laborieuse, mal assurée). Il est difficile de comprendre comment un éditeur peut donner comme première traduction (si tel est le cas…) un livre de S-F de plus de mille feuillets, plein de chausse-trappes et qui avait besoin d'être lissé stylistiquement (ce qui est souvent nécessaire pour les thrillers de ce genre).

The Ressurected Man est un livre qui plaira aux lecteurs de Richard Morgan et probablement à tous ceux qui fantasment sur le film Blade Runner ; reste qu'il est préférable, une fois encore, de le lire en anglais. Dommage. Une traduction experte (à la Gilles Goullet, pour ne citer qu'un orfèvre) aurait fait de ce livre le premier vrai bon bouquin publié dans la collection Bragelonne « SF » (bon livre qu'on attend toujours, après deux ans d'existence de ladite collection).

Thomas DAY

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