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Les critiques de Bifrost

Resident Evil

Resident Evil

Thomas DAY
DENOËL
240pp - 8,10 €

Bifrost n° 100

Critique parue en octobre 2020 dans Bifrost n° 100

Il y a une histoire derrière la novélisation de Resident Evil, jeu puis film, mais ce n’est pas celle que vous croyez. De ce que j’ai pu entendre ici et là, et en recoupant des racontars, j’estime pouvoir dire que les choses se sont passées plus ou moins ainsi.

Après la catastrophe du virus-T survenue dans la Ruche, sous Racoon City, le service communication d’Umbrella Corporation a voulu étouffer l’affaire. C’est là qu’a germé l’idée d’une fiction grand public qui viendrait brouiller les repères en mêlant le vrai au faux… Ozwell E. Spencer, fondateur de la boîte, a pensé confier l’écriture du livre à un Français.

Sur le papier, c’était une excellente idée. Imaginez, de l’autofiction bourrée d’adverbes, le nombrilisme élevé en sport national, Marguerite Duras écrivant La Nuit des morts-vivants, tout le monde décrocherait à la troisième page et l’affaire serait enterrée. Umbrella a donc misé sur Héloïse d’Ormesson pour trouver le candidat idéal.

Seulement voilà, l’éditrice a confié le soin de rédiger un chapitre test à trois plumes confirmées de l’Imaginaire : Thierry Di Rollo, Sabrina Calvo et Thomas Day. Thierry a rendu sa copie en premier et le service juridique de la firme a franchement tiré la tronche. Au lieu de l’attendu récit édulcoré, les avocats se trouvaient face à un reportage, du réel vécu à l’état brut. Thierry était tombé juste simplement en l’imaginant. Puis ils ont découvert le texte de Sabrina Calvo. L’essai a été refusé mais, sur sa base, Calvo a été embauchée direct au département Recherches et Prospectives d’Umbrella. On a vu ce que cela a donné par la suite.

Reste Thomas Day qui a fait le taf, et davantage encore. Alors bien sûr certaines références ont vieilli, comme Marylin Manson, et parfois le style est négocié au frein à main sans rétrograder. Mais pour un texte dont la deadline était à rendre hier, le résultat est honorable. D’autant que l’auteur s’y fait plaisir. Mieux, à certains moments, Thomas Day est à la hauteur de son propre univers, comme lorsqu’un dogue se jette sur Clarence avec force détails dans le mignotage de gueule, et déploie même son répertoire si reconnaissable : « ton charme de mâle plein de foutre et d’hormones » ; « gicler la chair des corps pourrissants » ; « tout son être exhale une puanteur atroce où se mêlent le faisandé et l’odeur hautement répulsive — acide — d’une méchante diarrhée ».

Resident Evil ne démontre pas que Thomas Day a du talent, on le savait déjà. Mais le boulot de commande confirme qu’il est un professionnel à l’américaine, capable de tout écrire. Et c’est un compliment.

Xavier MAUMÉJEAN

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