Stanislas LEM
DENOËL
6,05 €
Critique parue en octobre 2021 dans Bifrost n° 104
Une expédition spatiale revient de son voyage hors du système solaire. En raison de la relativité, les survivants atterrissent sur la Terre plus de cent ans après leur décollage et trouvent une société bien différente de celle qu’ils ont quittée. Outre les progrès technologiques phénoménaux, qui rendent obsolète l’exploit des astronautes, les habitants de leur planète ont subi un changement majeur : la bettrisation. Autrement dit, femmes et hommes subissent dès leur naissance un conditionnement qui les rend incapables d’aucun acte violent ni même de pensée violente. Non seulement les voyageurs ne sont pas accueillis en héros, mais ils sont considérés comme des bêtes curieuses, inquiétantes. Comment s’adapter à cette nouvelle vie ? Comment s’intégrer dans cette société si différente ? Comment vivre, tout simplement ?
Avec Retour des étoiles, Stanislas Lem aborde un sujet classique de la SF : que devient l’humanité quand on lui enlève une caractéristique fondamentale. La disparition de la mortalité a souvent été traitée, mais celle de la violence également — on pense au magistral Le Vin de la violence (1981), de James Morrow, voire, de façon beaucoup plus ludique et superficielle, au Demolition Man, de Marco Brambilla (1993), film dans lequel Sylvester Stallone est confronté à une société aux mœurs adoucies.
Hélas, à l’instar de ce film, Retour des étoiles a vieilli, et pas pour le meilleur. L’auteur, pour ouvrir son roman, se permet une promenade de près de 50 pages, là où une poignée aurait suffi, à travers une ville nouvelle et pleine de mystères pour le héros, fraîchement débarqué de l’espace. Il est perdu devant les formes étranges, les explosions de couleurs, les objets au rôle inconnu. Le lecteur aussi. Et comme si ce délayage ne suffisait pas, les dialogues accusent vraiment leur âge. Le manque de spontanéité les rend parfois difficilement compréhensibles, tout comme les relations avec les membres de l’autre sexe… Si cela peut s’expliquer au vu du contexte, le côté daté n’en renforce pas moins ce malaise.
Tout cela complique considérablement la tâche du lecteur qui tente de saisir la pensée de l’auteur à travers les voiles du temps. Et de se laisser bercer par l’histoire, avec ses rebondissements souvent attendus, parfois surprenants. À moins de se replonger dans l’état d’esprit de l’époque, l’expérience s’avère difficile, tant les marques du passé sautent aux yeux et empêchent l’immersion. Retour des étoiles doit plutôt être regardé comme un témoignage d’une certaine façon de penser et d’écrire, intéressante comme telle, mais sans réel enjeu pour un lecteur d’aujourd’hui.