Attention, ouvrage indispensable !
Voici une encyclopédie à la présentation aussi soignée que son contenu est riche. Deux volumes fortement illustrés, au texte réparti sur deux colonnes, sur plus de 2400 pages, à l’impression et au papier irréprochables, le tout présenté dans un magnifique coffret : il n’en fallait pas moins pour recenser l’ensemble de la conjecture romanesque francophone. La production s’étale sur 420 ans, depuis Pantagruel de Rabelais jusqu’à 1951, soit le début de la période moderne avec la création de deux collections emblématiques, « Anticipation » au Fleuve Noir et « Le Rayon fantastique » coédité par Hachette et Gallimard.
11 000 titres, 4 000 auteurs, 5 000 entrées, plus de 1 000 illustrations… Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Outre les romans et les feuilletons, la bande dessinée et les illustrations, les longs et courts métrages et les films d’animation, on trouvera les images et les bons points, les jeux et jouets, les opéras et les pièces radiophoniques, les partitions musicales, les assiettes décorées (sur pas moins de six pages) et les éventails, les calendriers, etc… jusqu’aux buvards !
Les entrées sont classées par ordre alphabétique d’auteur, auxquels s’ajoutent les principaux titres de revues et journaux, ainsi que les différents types de supports. L’énorme avantage réside, en fin du second volume, sur près de 300 pages, dans un index alphabétique des titres et un index chronologique : il est donc possible de retrouver une référence par titre, par auteur ou par date, mais aussi par thème. Ceux-ci sont suffisamment détaillés pour proposer six listes concernant les extraterrestres (invasions, monstre, mœurs, origine, etc.) et cinq sur Mars, six sur l’invisibilité, une quinzaine sur les ondes et les rayons (désintégrant, hypnotiques, réfrigérants, etc.), autant sur les religions et sectes. Un dernier tableau recense le nombre de titres publiés par année, qui permet de constater leur lente augmentation jusqu’au milieu du xixe siècle, la croissance plus rapide en fin de siècle jusqu’à l’inflation du début du xxe, où ils dépassent la centaine.
Il sera difficile, désormais, d’attribuer à un auteur la paternité d’un thème ou l’originalité d’un sujet : l’ignorance n’est plus de mise grâce à cette entreprise titanesque. Tout y est, ou presque. Seuls les auteurs de cet ouvrage sont en mesure de pointer quelques rares lacunes qu’ils répareront dans une prochaine édition.
C’est le travail d’une vie (enfin, de plusieurs) qui se trouve condensé là. On imagine ce qu’il a fallu d’investissement, de patience, pour relever, répertorier et ordonner une telle quantité de données. Et pour les lire, car les récits sont résumés, ou, pour les plus secondaires, identifiés par leurs thèmes ou leurs caractéristiques.
Parlons un peu du contenu. Chaque entrée est rédigée de façon précise, avec les men-tions biobibliographiques nécessaires. Les résumés sont clairs et concis, plus détaillés pour les textes d’importance, augmentés de commentaires sur la portée de l’œuvre, son originalité, de façon plutôt objective, avec quelques remarques ironiques ou étonnées. Les classiques sont abondamment présentés. On ne trouve pas moins de seize pages sur les frères Rosny, neuf sur Jules Verne et six sur Jacques Spitz. Jean Giraudoux dispose également de son entrée pour un humoristique « Supplément au voyage de Cook ». On découvre des curiosités à chaque page. Par exemple, un étonnant récit d’André Barre daté de 1901, « La Phalloculture », d’un individu propulsé au xxxe siècle, dans une société féminine où l’homme est devenu, à la suite de sélections génétiques, un objet sexuel le dotant de lèvres lippues, d’une langue et d’un sexe hypertrophiés, le reste étant réduit à l’insignifiance. On découvrira de même une étonnante illustration de Cuyck représentant un homme ouvrant sa chemise et dévoilant les rouages de son anatomie, pour un roman d’Alex Pasquier publié en 1913, Le Secret de ne jamais mourir, autre titre éloquent d’un transhumanisme avant la lettre !
Il suffit de feuilleter l’ouvrage pour se convaincre de l’exubérante imagination des pionniers de la littérature conjecturale ou apprécier des illustrations qui n’ont rien perdu de leur force, nombre d’entre elles s’avérant d’une étonnante modernité. Cette encyclopédie bruisse de milliers d’histoires qui donnent envie d’y aller voir de plus près, dans une bibliothèque ou sur Internet.
Le prix, à y bien regarder, est dérisoire : il représente cinq romans d’environ 300 pages à 23 euros, qui ne donneront pas forcément pleine satisfaction. Faites-vous le offrir à l’occasion d’une fête, mais ne passez pas à côté de ce trésor d’érudition.