Rich Larson a 30 ans. Il est canadien mais est né au Niger et a beaucoup bourlingué depuis. Grand rédacteur de nouvelles (sans oublier deux romans inédits, l’un pour un lectorat adolescent, l’autre pour adulte – ce dernier étant annoncé au Bélial’), Rich Larson est l’une des étoiles montantes de la SF mondiale. Pour preuve, son recueil La Fabrique des lendemains (Le Bélial’) a obtenu le Grand Prix de l’Imaginaire 2021. Rêves de drones et autres entropies est son second recueil. Il est publié par l’éditeur québécois Tryptique, dans une traduction d’Émilie Laramée, et devrait être disponible en France à l’heure où vous lisez ces lignes. Il compte treize textes, dont cinq déjà présents dans La Fabrique des lendemains.
Dans les mondes de Rich Larson, informatique omniprésente, réseaux sociaux intrusifs, modification cérébrale et élévation à la Brin sont la norme. On y croise des IA tristes ou devenues presque folles, des vaisseaux organiques en recherche de symbiotes, des consciences numérisées abritées dans des systèmes informatiques ou dans des corps de serfs volontaires poussés à l’effacement de leur individualité par la misère ou le désespoir, sans oublier des aliens meurtriers dans le plus pur style Men in Black. Mais les histoires de Larson ne sont pas que des rêves/cauchemars techniques. On y trouve aussi une grande part d’humanité, que Larson loge à l’interface entre les miracles de la technologie à venir et les contingences et interrogations éternelles de l’humanité – là donc où le wetware rencontre le hardware.
Prospectiviste autant que visionnaire, Larson pointe les dérives de notre temps, que la technologie accentue mais qu’elle ne crée pas. De ce point de vue, le premier texte, « Les Quinze minutes de la haine », s’il pouvait sembler déjà vu jusqu’à récemment, provoque une étrange sensation lorsqu’il est lu peu de temps après l’affaire Kurt Zouma, ce lynchage twitto-médiatique boursouflé qui suivit la publication de coups portés par le footballeur à son chat. Même représentation d’un réel amplifié avec « Corrigé » et ses thérapies de conversion neuro-administrées, ou le traitement extrême de la pédophilie imaginé dans « Salissure ». On appréciera aussi les désespoirs jumeaux de Cu et Bébé dans « De viande, de sel, et d’étincelles », ou la folle « Soirée en compagnie de Severin Grymes ». Dans cet océan de dysfonctionnements sociétaux, l’amour raconté dans « La Petite marchande d’air » fait l’effet d’une bouffée d’air pur, comme celles que vend l’héroïne chanceuse de l’histoire.
L’ensemble est assurément bon, même s’il contient aussi un ou deux textes anecdotiques. Néanmoins ce recueil souffre de deux problèmes sans doute rédhibitoires. D’abord, il n’est pas traduit en français mais en québécois, ce qui rend certaines pages confuses – voire involontairement drôles. Ensuite, et ce n’est pas lié au québécois, la traduction est balourde et pataude. Elle enlève toute énergie à ces textes et donne l’impression qu’ils sont le fruit des efforts d’un auteur consciencieux mais débutant. Dommage. Très dommage.