Vincent CHENILLE, Marie DOLLÉ, Denis MELLIER, Luc RUIZ, Irène LANGLET, Roger BOZZETTO, Isabelle-Rachel CASTA, Jean-Louis LEUTRAT, Fabien BOULLY, Loïc ARTIAGA, David BUXTON, Guy ASTIC, Samuel ARCHIBALD, Jean-François BAILLON, Julie DE FARAMOND, Éric
ENCRAGE
264pp - 20,30 €
Critique parue en juillet 2011 dans Bifrost n° 63
Ce livre, publié sous la direction de Vincent Chenille, Marie Dollé et Denis Mellier, constitue les Actes du Colloque de l’Université de Picardie Jules Verne et de la BNF, qui s’est tenu en décembre 2008. Pour la première fois en France, voire au monde, un colloque entier était consacré à Richard Matheson, cet auteur aux très nombreux textes archi-connus, qu’il s’agisse des romans Je suis une légende et L’Homme qui rétrécit, de la nouvelle « Journal d’un monstre », ou du scénario de Duel, mis en images par Steven Spielberg. Et le programme était en effet particulièrement chargé : près d’une vingtaine de contributions d’universitaires de la France entière, sur de très nombreux sujets : les écrits, bien sûr, les adaptations et le métier de scénariste, l’influence de Poe sur Matheson, ou celle de ce dernier sur Stephen King, voire, plus original, sur l’écrivain Claude Ollier. On trouvera même un article passionnant d’Eric Vinson sur des livres méconnus de l’auteur, qui font l’apologie de la Science Chrétienne et du théosophisme. En clair, une somme incontournable, que tout amateur de Matheson se doit de posséder pour cerner les contours de son œuvre, si tant est qu’on puisse en trouver — après tout, Matheson est un touche-à-tout qui a multiplié les genres, les traitements, les médias… Ceci étant dit, on distingue néanmoins de grandes lignes directrices, comme la prégnance des monstres (celui de sa première nouvelle, bien sûr, mais aussi le camion de Duel ou la figure de Robert Neville dans Je suis une légende, créature terrifiante pour le reste de la population terrienne), la paranoïa et plus généralement les fêlures de l’esprit, ainsi que son rapport à la notion de genre, dans lequel il se fond pour mieux les corrompre de l’intérieur. Toutes ces composantes sont bien évidemment abordées ici.
Sans surprise, l’intérêt des articles varie, mais reste globalement soutenu ; on signalera les textes de Luc Ruiz, sur Je suis une légende et le conte philosophique dans l’œuvre de Matheson, d’Irène Langlet, sur Le Jeune homme, la mort et le temps, de Fabien Boully, sur Duel et son traitement de la masculinité, et, d’une manière générale, ceux de la troisième partie qui sortent quelque peu des sentiers battus. Tout lecteur y apposera en outre ses propres intérêts, en fonction de sa connaissance plus ou moins intimes des écrits de Matheson. On s’interrogera néanmoins sur l’intérêt d’avoir mis la biographie signée Jean Marigny en fin d’ouvrage : elle nous semblait une introduction idéale à ce dernier (le lecteur potentiel n’est pas nécessairement familier des nombreuses facettes de l’auteur). Certaines thématiques ou sujets d’articles qu’on aurait bien aimé voir abordés sont absents : par exemple, une étude comparative de L’Homme qui rétrécit et de La Chute dans le néant de Marc Wersinger ; la filiation et la transmission dans l’œuvre de Richard Christian Matheson (son fils) ; ou encore les westerns. Les organisateurs du colloque s’en excusent du reste en préface, et on ne saurait leur en tenir rigueur : bien qu’incomplet, ce volume n’en demeure pas moins incontournable pour qui s’intéresse à la carrière de Matheson, mais aussi à un vaste pan de la littérature de genre américaine, l’œuvre de Richard Matheson constituant une étape intermédiaire entre les classiques (Poe) et les modernes (King).