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Les critiques de Bifrost

Critique parue en janvier 2015 dans Bifrost n° 77

Ayant échappé à la mort et retrouvé sa progéniture, Tallula coule désormais des jours plus tranquilles en compagnie de Walker, conciliant vie de famille et baisetuemange sans état d’âme. Le virus empêchant la transmission de la Malédiction étant éradiqué, la lycanthropie prolifère à nouveau à la surface de la Terre, profitant aussi du retrait de l’OMPPO englué dans les luttes internes. Les gens heureux n’ayant pas d’histoire, on pourrait penser que le destin réserve ses piques à d’autres victimes. Pourtant, depuis qu’elle a rencontré Remshi deux années plus tôt, la jeune femme est hantée par un rêve tenace d’un érotisme torride. Un fait qu’elle pourrait négliger s’il n’impliquait l’espèce honnie des loups-garous, les vampires. Pas sûr qu’une telle union ne soit également du goût du nouvel ennemi des créatures surnaturelles, l’Église catholique.

Rites de sang met un terme à la trilogie initiée par Glen Duncan avec Le Dernier loup-garou. Et l’on a immédiatement envie de dire fort heureusement, car si Talulla se montrait encore à la hauteur de son prédécesseur, ce n’est plus du tout le cas ici. A vrai dire, on s’ennuie beaucoup à la lecture du roman, le cocktail de sexe, de violence et d’ironie ne parvenant pas à contrebalancer la monotonie et l’aspect répétitif d’une intrigue enferrée dans la routine. A quelques détails près, notamment un entrelacement de plusieurs trames et points de vue, Rites de sang reprend en effet les mêmes recettes que les précédents volets. On troque juste l’OMPPO et la secte vampirique contre le Milite Christi, organisation paramilitaire catholique guère convaincante dans sa capacité de nuisance. Il faut beaucoup creuser pour trouver ne serait-ce qu’une once d’originalité dans ce troisième roman et exhumer ainsi l’exultation prévalant à la lecture du Dernier loup-garou. Diluée dans un rythme mollasson, l’intrigue ne parvient à aucun moment à susciter l’enthousiasme. La tension dramatique pointe aux abonnés absents, les cliffhangers sont téléphonés, mais surtout les personnages brillent par leur banalité, un comble, compte tenu de leur nature. On peut adresser le reproche en particulier au fameux Remshi dont le modus operandi dans le roman se réduit à saigner une victime, dormir, puis à se lamenter sur son amour perdu au cours de plusieurs flashback laborieux, cherchant en Tallula comme un écho de celui-ci. On a connu mieux pour une créature dont l’existence s’étale sur vingt millénaires et on en vient à regretter le désenchantement jubilatoire de Jake et ses remarques acerbes sur le sens de la vie ou l’humanité.

Bref, Rites de sang apparaît à tous points de vue décevant. Et comme si ces motifs d’agacement ne suffisaient pas, le roman s’achève sur un twist final qui laisse perplexe tant il paraît bâclé. A se demander si avec cette fin ouverte, Glen Duncan ne garde pas sous le coude de quoi amorcer un nouveau cycle. Pas sûr qu’on le suivra sur ce coup, même accompagné des vers de Robert Browning.

Laurent LELEU

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