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Les critiques de Bifrost

Rive Droite

Rive Droite

Pierre BORDAGE
L'ATALANTE
464pp - 24,50 €

Bifrost n° 103

Critique parue en juillet 2021 dans Bifrost n° 103

La situation est tendue dans le métro parisien. Les diverses factions fourbissent leurs armes et chacun revoit ses engagements : qui trahir, qui soutenir ? Madone poursuit son voyage diplomatique vers Petite-Chine. Elle espère rallier les différents dirigeants des multiples communautés à son projet de fédération unique pour Rive Gauche. Mais elle doit affronter la cupidité et la soif de pouvoir des femmes et hommes en place. De son côté, Augir, ancien secrétaire de Parn, le grand prêtre de l’Élévation, cherche à faire tomber son ancien chef. Les alliances et trahisons sont légion et la victoire semble changer de camp de chapitre en chapitre. Sur l’autre rive, la Droite, Juss et Plaisance continuent leur exploration d’un monde jusqu’alors inconnu. Sont-ils les seuls humains de ce côté de la Seine, apparemment peuplé uniquement d’animaux monstrueux ?

Pierre Bordage nous replonge immédiatement dans le bain avec cette suite directe de Rive Gauche. Mais quand le premier tome prenait le temps de mettre en place décor et personnages, ici, le contexte étant déjà connu du lecteur, ça démarre dès les premières pages pour ne quasiment jamais faiblir, l’auteur jonglant d’un groupe à l’autre au fil de courts chapitres qui maintiennent un intérêt constant. La vraie force de Bordage réside souvent dans l’épaisseur de ses personnages, quand bien même il flirte parfois avec le caricatural : Rive Droite ne déroge pas. Les protagonistes sont animés de passions fortes, qu’elles soient honorables ou qu’elles soient ignobles – tortures purement sadiques, haines viscérales et mortelles envers la différence (en l’occurrence les dvinns, mutants aux pouvoirs non reconnus et à l’espérance de vie minime, et qui prendront de l’ampleur dans ce roman). Les sentiments sont exacerbés, plus encore que dans Rive Gauche, et montrent aussi bien le côté pitoyable de l’être humain que ses grandeurs occasionnelles, capable du sacrifice ultime au nom d’une idée, d’une cause. Avec cette trilogie, Bordage s’offre un laboratoire en huis clos où il décortique l’humanité au plus près, observant les réactions de ses protagonistes.

Et la découverte de la Rive Droite lui fournit l’occasion d’élargir sa palette. Outre les animaux, d’autres créatures font leur apparition. Certaines anecdotiques, juste bonnes à apporter de l’action. D’autres plus importantes pour la suite. D’ailleurs, ce volume soulève quantité de questions.

On pouvait craindre que l’auteur des « Guerriers du silence » ne tourne en boucle dans les couloirs du métro, mais il est parvenu à éviter l’écueil. Par l’agrandissement de son territoire. Et au moyen d’extraits de journaux intimes qui content la catastrophe ayant mené à tout cela. Le récit y gagne en profondeur et l’ancre davantage dans le réel. Enfin, dans les ultimes pages, à l’instar de Glukhosky dans Metro 2035, le troisième tome de sa propre série, Bordage semble ici ouvrir la possibilité d’une sortie des hommes à la surface. Le temps passant, les radiations seraient devenues moins dangereuses. Un peu d’espoir pour une communauté qui en manque cruellement. Et une bonne raison pour le lecteur de se précipiter sur Cité, ultime roman de cette trilogie en cours. Un peu de patience…

Raphaël GAUDIN

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