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Les critiques de Bifrost

Rock Stars

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Jean-Marc LIGNY, Johan HELIOT, David Frederick BISCHOFF, Denis LABBÉ, Mélanie FAZI, Thierry DI ROLLO, Patrick ERIS, Sylvie MILLER, Philippe WARD, Brian STABLEFORD, Michel PAGEL, Léo HENRY, Jean-Michel CALVEZ, Jess KAAN, Jean-Jacques KILLIAN, Léo LA
NESTIVEQNEN
320pp - 18,60 €

Bifrost n° 32

Critique parue en octobre 2003 dans Bifrost n° 32

Les éditions Nestiveqnen aiment les anthologies thématiques. Celle-ci vise à célébrer les noces d'un vieux couple : la science-fiction et le rock. Et en dix-sept textes, elle nous offre une vision assez variée et représentative des liens existant entre eux.

Les groupes et tendances ayant inspiré les auteurs sont particulièrement divers, et l'on va du blues et du rock'n'roll des origines à l'industriel ou même au rap, en passant par le progressif, le punk ou le heavy metal. Certains s'inspirent d'une chanson (« Quelques grains de riz » de Thierry Di Rollo, dont la fascination du narrateur pour la Eleanor Rigby des Beatles relève de la folie furieuse), d'autres de la vie d'une rock star (« La Route de Memphis » de Michel Pagel, qui nous révèle enfin ce que le King Presley est réellement devenu après sa disparition), d'autres encore mettent en scène leur amour pour tel ou tel genre, non sans une certaine nostalgie souvent (le rock progressif très seventies des héros de David Bischoff dans « Songe d'une nuit de solstice », celui, contemporain, d'Hendrix et Joplin célébré par Brian Stableford dans « Le Dit de Judas »).

Certains écrivains proposent une lecture plus libre du thème imposé. On peut difficilement parler de rock pour qualifier la musique que décrit Jean-Marc Ligny dans « Les Chants de glace », forme artistique multimédiatique d'un futur lointain, celui de ses Chroniques des Nouveaux Mondes. Le rock ne fournit qu'un fond sonore à la réflexion de Mélanie Fazi sur la création artistique (« En Forme de dragon ») ou au vagabondage meurtrier du narrateur de Patrick Eris (« Doctor Jeep »). Quant à Jean-Jacques Killian, il a préféré se concentrer sur un objet emblématique du rock, dans son texte judicieusement baptisé « Stratocaster ».

Denis Labbé et Johan Heliot ont choisi de situer leurs histoires dans un cadre atypique. « Rhapsodie métallique » de Labbé fait jouer en concert un groupe de heavy metal dans un univers de fantasy. Une union logique, tant le heavy metal s'est inspiré de la fantasy dans son imagerie ou dans ses paroles, qui donne un résultat tout à fait amusant. Dommage que l'histoire ne soit qu'anecdotique. Johan Heliot a choisi, dans « À la Bastille, Gabba Gabba Hey ! », de ressusciter les Ramones dans un futur gouverné par la Société du Spectacle, et de leur faire rencontrer un agitateur d'une autre époque, Aristide Bruant. C'est sans surprise l'un des meilleurs textes du recueil.

Globalement, la qualité varie assez d'un texte à l'autre. En bas de tableau, certains pêchent par leur exécution (« Nitro » de Jess Kaan, qui ressemble davantage à un extrait de roman en cours d'écriture qu'à une véritable nouvelle) ou par leur manque d'originalité (le Rencontre du Troisième Type remixé par Pink Floyd que nous offre Jean-Michel Calvez dans « Analogies » me paraît trop prévisible, malgré ses multiples révélations finales). Même chose pour les dystopies futuristes de Léo Lamarche (« Le Code-barre de l'Antéchrist ») ou Laurent Fétis (« Trancers »).

Outre le texte de Johan Heliot, déjà cité, la meilleure nouvelle de ce recueil me semble être « La Chair dans la machine » de Brian Hodge. S'inspirant d'un genre qui pourtant ne m'intéresse pas du tout — le rock industriel — , il nous donne à lire ici une réflexion très pertinente sur ce qui constitue l'essence de ce style musical, sa raison d'être, et le pousse à son paroxysme en y intégrant un élément purement S-F.

Au final, Patrick Eris a su nous proposer une anthologie d'assez bonne qualité, et surtout d'une grande variété. En revanche, mauvais point pour sa préface qui, en plus d'être trop courte pour être réellement intéressante, réussit l'exploit de ne jamais citer le nom de Roland C. Wagner, qui reste quand même le plus rock'n'roll des écrivains de S-F français.

Philippe BOULIER

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