Connexion

Les critiques de Bifrost

Roi Sorcier

Martha WELLS
L'ATALANTE
464pp - 25,50 €

Critique parue en janvier 2025 dans Bifrost n° 117

Non, Legolas_du_92, tu te calmes, ce n’est pas du Roi Sorcier d’Angmar dont il est question ici.

Premier tome de la saga de « L’Aube du monde » (« Rising World » en VO), le dernier roman de Martha Wells — qui délaisse ici son « Journal d’un AssaSynth » — nous emmène dans un univers de high fantasy foisonnant de magie, de créatures, d’empires, de peuples, de… Bref, foisonnant. L’univers de la saga a pour évènement structurant la soumission de la quasi-totalité du mon­de par les Hiérarques, sorte d’empire de mages impitoyables et surpuissants. La narration se découpe en deux temporalités, alternées de chapitres en chapitres, une au présent, l’autre au passé. Le récit au passé relate le soulèvement qui met fin à la domination des Hiérarques, celui au pré­sent narre une enquête dans un monde s’étant restructuré sans eux.

Époque présente, nous suivons Kai et Ziede, un prince démon et une sorcière. On imagine volontiers un type cornu à la peau écarlate avec une queue finissant par une flammèche et une vieille dame avec un grand chapeau. Non, car Martha Wells entend bien poser les bases d’un univers détonnant de la fantasy classique. Un démon est un être de l’inframonde qui s’est incarné dans un corps venant de rendre l’âme. Une sorcière est une mage mais sans pustule obligatoire. Kai et Ziede, donc, se réveillent dans une prison sous-marine où ils ont été incarcérés et endormis par on ne sait qui, on ne sait où ni comment. Charge à eux de le découvrir et de détricoter un complot ourdi contre l’ordre politique qui a émergé lors de la dé­faite des Hiérarques. Au passé, Kai participe au soulèvement, lui-même sous les ordres d’un leader charismatique. Ce segment ra­conte également comment il rencontre Ziede et ses autres futurs compagnons.

Cela fait donc deux trames à mener dans une jungle touffue de fantasy en 464 pages. Spoiler : c’est laborieux. Si l’on peut apprécier l’écriture à cent à l’heure de Martha Wells, le flot incessant d’évènements, de bastons — un poil fastoches — et de sortilèges aussi spectaculaires qu’hasardeux, l’ensemble tremble sous les explosions et le poids d’un univers trop chichement détaillé. Pourtant, à consulter la carte en début d’ouvrage, le nombre de peuples et de magies dépeints, on pourrait s’attendre à un certain nombre de passages d’exposition voués à structurer la grue à la­quelle pend notre incré- ­dulité. L’autrice ne prend hélas pas ce temps. On aurait espéré de la narration au passé qu’elle fournisse  assez  d’éléments de compréhension pour apprécier celle au présent — mais ce n’est pas le cas. On fonce dans un tunnel aux lumières rares, plutôt envoûtantes… mais rares. Roi sorcier sera ap­précié pour son rythme et son originalité ; pour le reste, on attendra de voir si Queen Demon, sa suite, peine moins à se faire comprendre.

 

 

Pierre CONSTANTIN

Ça vient de paraître

L'Énigme de l'Univers

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 118
PayPlug